2-3-3 Que contient la Carte Cognitive ? Carte Mentale monomodale ou multimodale ?

2-3-3-1 La (ou les) Carte(s) Cognitive(s)

La contrainte de définir nos représentations spatiales par l’intermédiaire des Cartes Mentales, ou des Cartes Cognitives, fixe nos connaissances spatiales dans un certain format. En effet, l’appellation « carte » estompe, voire efface, l’aspect dynamique du processus alors que nos connaissances mentales environnementales se caractérisent justement par des phénomènes de plasticité et d’adaptabilité. Il faut admettre que le concept de « Carte Mentale » permet de nommer et de catégoriser les informations spatiales. Ces informations de type topologique, géométrique, métrique ou encore euclidienne, se distinguent des unes des autres par un système de hiérarchisation chronologique. Au fur et à mesure de nos déplacements (répétition et extension dans la zone) notre Carte Mentale va s’enrichir de points de repères (éléments physiques avec des caractéristiques particulières liées au contexte) de liens ou de routes entre ces points de repères et entre des origines et des destinations de plus en plus nombreuses. Un véritable maillage mental va s’organiser dans lequel de nouvelles opérations seront exécutables (plus ou moins bien selon les individus) : prendre des raccourcis, varier les itinéraires pour une même destination, trouver une solution subsidiaire en cas de perturbation à cause de la densité du trafic...

Toutes les informations précédemment citées représentent-elles une seule Carte ou plusieurs? En admettant qu’il existerait plusieurs Cartes Cognitives, elles seraient en perpétuelle interaction pour effectuer un itinéraire connu, pour en construire un nouveau ou encore pour l’expliquer.

A notre connaissance, nous pouvons répertorier au moins deux types de cartes ou deux formats de représentations spatiales dont les traitements sont radicalement différents. D’abord, la représentation type « survol » ou carte car elle est construite selon un système de coordonnées analogiques au territoire qu’elle représente. En d’autres termes, elles utilisent des représentations exocentrées, indépendantes de la position du sujet. Elles s’opposent par conséquent aux représentations « type route », comportement d’orientation simple qui consistent à reproduire une séquence motrice c'est-à-dire un déplacement vers un but directement perceptible (O’KEEFE et NADEL, 1978 ; THINUS-BLANC, 1996). Une « route » fonctionne comme une instruction ordonnée vers un but précis et finalisé. Même si la représentation type « route » ne contient pas au sens strict des données spatiales puisque fortement imprégnée d’informations visuelles et prorioceptives, nous pouvons la considérer comme Carte Cognitive car elle est fortement reliée à l’activité de déplacement. A l’inverse, pour O’KEEFE étant donné que la mémoire des routes ne dépend pas de l’hippocampe contrairement au représentations de type survol il ne peut leur attribuer l’acception de Carte Cognitive.

Comme toutes connaissances intériorisées, celles qui portent sur l’espace ne sont pas innées mais acquises, c’est pourquoi, à chaque étape du développement, les Cartes Mentales se renforcent en fonction des éléments ajoutés. Il est sans doute plus adéquat de conjuguer la carte mentale au pluriel car nos données sur l’espace sont de différentes natures et d’autre part le pluralisme introduit l’aspect dynamique du processus.

Comment se développent et se construisent les Cartes Cognitives ? A l’origine était le point de repère.

Une suite de repères (landmarks) dont chacun est perceptible à partir du précédent est une Carte Cognitive au même titre qu’un chemin (route-map) constitué par des segments dont le cap et la longueur sont spécifiés, ou qu’une configuration (survey-map) indépendante du sujet et permettant l’anticipation de chemins nouveaux. Le courant structuraliste (EVANS et al., 1981 ; GOLLEDGE, 1978 ; PIAGET et INHELDER, 1966 ; SIEGEL et WHITE, 1975 ; SHEMYAKIN, 1962) selon lequel «les changements que l’on observe chez les adultes en fonction de la familiarité à un environnement donné (c’est-à-dire du fait de l’accumulation des déplacements) sont strictement similaires aux changements développementaux qui apparaissent avec l’âge : coordination progressive des relations géométriques entre les éléments de l’espace et décentration progressive par rapport à l’espace environnant» GIRAUDO (1993, p.42). En d’autres termes, la connaissance spatiale s’élabore de façon parallèle et similaire chez les adultes face à un nouvel environnement dont ils ne sont pas familiers et chez les enfants durant leur développement en différents stades opératoires (PIAGET, 1966). Le premier niveau de connaissances se construit à partir des points de repère aussi bien chez l’enfant (la maison et l’école constituant les repères élémentaires) que chez le nouvel arrivant dans une ville. Ses repères vont dépendre de ses activités.

Ces trois types de codage sont successivement mis au point sans que les plus précoces soient abandonnés. Ainsi, la représentation spatiale s’organise comme la progression où seules les relations topologiques de voisinage, de séparation... sont prises en compte jusqu’à la représentaion « survey-map» (vue panoramique de la disposition spatiale des objets) respectant les rapports de distance et d’angles entre les différents éléments de l’espace.