3-1 Itinéraire nouveau dans un environnement familier

Dans le cas d’un itinéraire nouveau dans un environnement familier, l’individu fait appel à ses propres représentations du milieu. Dans ce contexte, nous pensons qu’il active les représentations intermédiaires de « type route » de THINUS-BLANC (1996). C’est une représentation qui demande une capacité à ordonner une séquence d’information à propos des emplacements et des distances, une capacité à évaluer la dimension temporelle de navigation, une capacité à déterminer la direction et l’orientation en tenant compte des segments de route. Elle sollicite également les vues locales avec l’hypothèse que si celles-ci ne sont pas vues dans la même orientation, les rotations mentales permettent alors l’identification du secteur.

La façon d’atteindre le but sera tributaire de tout un ensemble de critères dépendants ou non du sujet réalisant l’action : les motivations, les capacités cognitives spatiales, la connaissance de l’environnement, les perturbations environnementales etc.

Ainsi, les études concernant le wayfinding sont extrêmement hétérogènes car tiennent compte de ces différents critères. Elles peuvent faire varier les lieux d’études : du simple bâtiment (O’NEIL, 1991), des petites villes ou de quartiers (DEVLIN, 1980) à des villes entières (LYNCH, 1969) ou encore sur des campus ou des hôpitaux (PASSINI, 1984). Elles peuvent jouer sur les paramètres : des estimations de distance (HOLDING, 1992), des tâches de dessin (GALEA & KIMURA, 1993) des jugements de localisation et d’orientation (THORNDYKE et HAYES-ROTH, 1982) des temps d’exécution... et sélectionner les sujets selon des caractéristiques individuelles : l’âge, le sexe (DEVLIN & BERSTEIN, 1995), le niveau de formation (GIRAUDO & PERUCH, 1992)...

Le wayfinding correspond, dans notre recherche, à la mise en œuvre des représentations spatiales pour le déplacement en direction d’une destination dans un environnement réel et inconnu. Nous évoquerons d’abord la situation où un individu doit créer un nouveau trajet soit dans le cas d’une destination inhabituelle soit face à une perturbation sur un trajet connu. On dit alors que l’individu n’est plus dans un comportement automatique mais réfléchi. Il va alors instancier un schéma de connaissances selon les termes de BASTIEN (1996). Un tel schéma peut être globalement défini par trois composantes, -1) un domaine (l’ensemble des situations auxquelles il s’applique), -2) une procédure (la suite des actions ou opérations à effectuer), -3) une anticipation (l’effet attendu).

On peut ainsi s’adapter à des situations nouvelles qui présentent des caractéristiques communes (selon le domaine) tout en comportant des variables. Ces variables doivent être « instanciées » pour que la procédure puisse être exécutée dans une situation déterminée. Certains éléments précis de la situation seront mis en correspondance avec des variables que comporte la procédure. Face à un sens interdit implanté provisoirement, la variable ajustée sera de prendre une rue à gauche, ce contour permettant de rejoindre une rue appartenant au trajet initial.

La planification est avant tout une composante essentielle des tâches complexes et des activités tournées vers l’exécution de tâches concrètes, comme la conduite automobile (BELLET, 1998). BELLET propose un modèle qui a pour fonction la simulation des activités mentales sous-jacentes aux comportements de conduite.

Ce modèle est appelé COSMODRIVE (Cognitive SImulation Model of DRIVEr), inspiré de différents modèles de conducteur qui distinguent trois niveaux dans l’activité : opérationnel, tactique et stratégique.

‘« Ce modèle insiste tout particulièrement sur l’aptitude du conducteur à générer et à manipuler des représentations internes de l’environnement routier ainsi que sur le rôle que jouent ces représentations dans la prise de décision comme dans le contrôle et la régulation de l’activité de conduite » (p. 217).’

Dans la conception de BELLET, le module stratégique a la double tâche « d’assurer » la planification et d’en « superviser » la réalisation au cours de la phase de conduite. La tâche de planification suppose « de prendre en compte les buts et les contraintes inhérentes aux objectifs et aux conditions du déplacement (e.g. Motif du trajet, distance à parcourir, durée estimée du parcours, caractéristiques du véhicule utilisé…) afin de déterminer le plan à suivre (itinéraire à emprunter, heure de départ, vitesse de croisière) » (p. 194). Dans le cas d’un voyage avec les transports collectifs, l’utilisateur doit également planifier son déplacement, en tenant compte de certaines contraintes inhérentes aux réseaux collectifs (les horaires, la localisation des arrêts ou des stations, les correspondances...). Les contraintes, variables selon le mode de transport, induisent une macro-planification du trajet avec une prise en compte de tous les aspects du voyage. Le calcul spatio-temporel de l’itinéraire résulte alors de la stratégie globale (il peut aussi devenir une contrainte), il correspond à une micro-planification.

Certains auteurs comme KAPLAN (1973), PASSINI (1984, 1994) ainsi que SÄISÄ & GÄRLING (1987) ont envisagé le wayfinding selon un schéma théorique de résolution de problèmes introduisant l’idée de planification et de prise de décisions.