3-1-2-2 L’application des plans

Généralement, un plan est considéré comme une séquence d’opérations, construite préalablement à son exécution dans le cadre des problèmes de transformation d’états (HOC, 1987). Le plan n’est pas une procédure mais une représentation susceptible de guider la réalisation d’une tâche, cette dernière s’organise selon la composition du plan. De notre point de vue, les plans spatiaux sont déclaratifs car on va utiliser telle rue car on sait qu’elle coupe une autre rue qui peut nous conduire directement vers un quartier à proximité de notre destination finale. De cette manière, on utilise prioritairement des informations de distance, de direction, de localisation…

En réalité, la difficulté du problème à résoudre est inversement proportionnelle au degré de connaissance des lieux. En effet, lorsque nous voulons nous rendre dans une rue de notre quartier que nous n’avons pas l’habitude de prendre, nous devrons activer des représentations de notre quartier et mettre en place une planification d’itinéraire pour atteindre cette rue selon certains critères (de temps, d’évitement des feux tricolores...). La procédure sera sensiblement la même dans un environnement complètement inconnu excepté le fait que nous ne disposons d’aucune représentation mentale des lieux et c’est pourquoi nous rechercherons ces données manquantes sur des supports externes tels que les moyens cartographiques.

Quelque soit la méthode employée pour s’orienter et surtout pour atteindre son but, une décomposition en segments des lieux va être exécutée : deux ou trois actions seront appliquées dans chaque segment. Le problème ne réside pas dans le choix des actions puisque les actions liées à l’orientation sont déjà identifiées et intégrées dans la mémoire à long terme comme « avancer », « tourner », « descendre »... mais la difficulté est de pouvoir les instancier. Chaque situation, chaque carrefour, chaque intersection est une particularisation du schéma de l’activité d’orientation. L’environnement a des contraintes de différentes natures qui le rend plus ou moins « lisible » (expression reprise de LYNCH). La lisibilité va rendre l’orientation plus ou moins facile.

En réalité, l’activité de wayfinding est une activité «archaïque» car se déplacer signifie implicitement se diriger vers un but connu ou non. Les premières expériences d’orientation du tout petit se sont d’abord réalisées initialement dans une pièce entre lui et un objet directement perceptible, puis grâce au développement de ses capacité cognitives (PIAGET et INHELDER, 1966) associé à une certaine assurance il saura se déplacer dans tout l’appartement, puis à l’école, dans le quartier, pour finalement être capable de se déplacer dans de grands espaces et des espaces extrêmement variés. Les actions liées aux wayfinding sont, par conséquent, d’autant plus connues qu’elles se résument aux quatre directions principales que représentent les points cardinaux : aller tout droit, tourner à droite ou à gauche et revenir sur ses pas. De la même façon, les conditions de déplacement dans un labyrinthe sont représentatives des seules actions liées au wayfinding. Toutefois, ce qui fait la richesse des décisions et actions est la kyrielle des verbes exprimant celles-ci, car ces verbes traduisent très souvent des actions similaires mais avec des nuances. Les nuances tiennent compte des informations environnementales et topographiques. «Aller tout droit» et «descendre» indiquent la même direction sauf que «descendre» apporte l’indice d’une inclinaison de la voie, et par rapport au contexte on peut inférer la présence d’escaliers. Ces verbes existent donc pour décrire à la fois une action mais aussi un objet extérieur, et ces objets infiniment variés produisent toute la difficulté de la démarche. Ainsi le problème de la situation n’est pas tant la procédure mais la variété des situations, elle nécessite quasi - systématiquement une particularisation.

L’individu dispose déjà des connaissances procédurales, l’action de tourner est celle de changer de direction en tant que piéton cela signifie réaliser une rotation du corps et une nouvelle position des pieds par rapport au sol. En tant qu’automobiliste cela demande une maîtrise du maniement du volant (selon une logique mathématique en tournant trois fois de suite à 90°, dans la même direction il va revenir au point de départ.)

En définitive, « se déplacer » et « tourner » sont des actions primitives car ce sont des actions immédiatement exécutables par les mécanismes de la programmation motrice.

Selon RICHARD (1990), créer un sous-but consiste à reconnaître qu’un état intermédiaire de la situation doit nécessairement être réalisé pour que le but puisse être atteint. Parmi les sous-buts qui peuvent être construits au cours de la résolution d’un problème, certains peuvent être d’un haut degré de généralité : ils peuvent correspondre à des macro-actions en ce sens qu’ils sont décomposables en plusieurs sous-buts élémentaires. Dans le cas de l’orientation ou dans la recherche d’itinéraires, certains sous-buts peuvent mener à une impasse ou à une solution insatisfaisante : lors d’un déplacement en voiture, il faut tenir compte du sens de circulation des routes ou de la voirie. Ces sous-buts qualifiés d’essais ou de sous-buts négatifs sont retenus aussi bien que les autres car sont une aide à la construction de notre représentation. L’ordonnancement des sous-buts est également très important. Il est possible que les sous-buts soient ordonnés en sens inverse du point de départ afin de s’assurer de la façon d’atteindre le but.

Pour atteindre une destination à partir d’un point X, le déplacement orienté sera inévitablement planifié. Chaque étape ou chaque sous-but aura pour but un repère (un élément physique). Ces sous-buts constituent des segments de trajet orientés vers une direction. Un trajet dans la ville est rarement parfaitement linéaire à cause des changements de direction qui vont induire une forme fractionnée du trajet. Néanmoins, cette segmentation organisée facilite la mémorisation du trajet.