3-2 Itinéraire nouveau dans un environnement inconnu

3-2-1 La variété des situations pour un schéma commun

Face à une situation complètement nouvelle, l’individu n’a pas de solutions immédiatement disponibles car il ne dispose d’aucune connaissance spécifique sur l’environnement dans lequel il doit se déplacer et trouver sa destination.

En revanche, cet individu novice peut activer des représentations génériques sur la situation, appelées des schémas de connaissance. Un schéma est une structure de données pour représenter les concepts génériques en mémoire. C’est une description assez générale, qui fournit seulement le «squelette» autour duquel une situation sera interprétée.

Le schéma est à la fois une façon de représenter l’organisation des connaissances en mémoire et une façon d’exprimer comment ces connaissances sont utilisées pour comprendre, mémoriser, faire des inférences.

Les schémas sont des blocs de connaissance que l’on a construit, «Building Blocks of Cognition» (RUMELHART, 1978). Ce sont des éléments fondamentaux sur les quels s’appuie tout traitement d’information. Ils sont utilisés pour interpréter des données sensorielles, pour recouvrer des informations en mémoire, pour déterminer des buts et des sous-buts, pour répartir des ressources et généralement guider le déroulement de traitements dans un système. Le schéma est alors instancié. Dans le cas d’un environnement nouveau, sera activé un schéma de lieux c’est-à-dire une représentation générique d’un espace urbain ou d’un espace de transport. Cette représentation des lieux n’est donc pas suffisante pour orienter l’individu vers la destination déterminée. Le système cognitif face à une situation écologique nouvelle ne reste pas inactif, il cherche une solution. La solution n’est pas un produit fini c’est au contraire la mise en œuvre d’un enchaînement de plans d’actions sur la base d’une représentation schématique. ‘ « La planification permet alors d’accroître dans ce contexte, les possibilités de contrôle d’une situation malgré les limitations de capacité de la mémoire de travail ». HOC (1987).

Il existe cependant des schémas plus ou moins élaborés que l’on appelle les scripts :

Le concept de «script», introduit par SCHANK et ABELSON (1977) rend compte des situations de tous les jours. C’est une structure cognitive qui décrit une séquence d’événements appropriés dans un contexte particulier. Cette structure hypothétique, quand elle est activée, organise la compréhension des situations basées sur des événements. La notion de plan est introduit pour rendre compte du comportement qu’on veut produire à partir de la connaissance générale en ce qui concerne les situations nouvelles.

En d’autres termes, le script dans une situation d’orientation vers un but dans un environnement inconnu sera de rechercher de l’information spatiale exogène. D’autres scripts sont alors associés : « dans une ville, on peut retirer une information à partir d’un plan urbain », « des plans sont parfois affichés sur des panneaux », «des plans sont vendus dans les kiosques à journaux »… « il existe une signalétique de jalonnement dans les villes ».

A partir de ces connaissances génériques, des stratégies vont être déployées en tenant compte d’un certain nombre de critères :

  • l’environnement (espace urbain, espace de transport, complexe commercial)
  • le temps imparti (horaire libre ou horaire fixe)
  • le mode de déplacement (à pied, automobile ou transports collectifs)
  • l’auto-évaluation des capacités de l’individu à s’orienter ou à utiliser un plan…

Il nous semble important d’évoquer ces critères car ils sont inéluctables et prégnants en situation écologique, ils contribuent foncièrement à la variété des situations. Ils sont également interdépendants, par exemple, le choix du mode de transport peut dépendre du temps imparti. Mais, ils ne dépendent pas de la seule volonté du sujet à l’exception du dernier critère. Cette auto-évaluation qui n’est pas toujours consciente peut modifier les stratégies de déplacement voire le mode de déplacement. Une personne qui estime ne pas être suffisamment capable de comprendre un plan de ville peut demander à une tierce personne de lui expliquer l’itinéraire (voire de l’emmener), auquel cas elle ne prendra pas le risque de conduire un véhicule et prendra les transports collectifs.

En effet, il existe dans le langage courant l’expression « avoir le sens de l’orientation », cette expression fait notamment référence à la confiance que l’on s’octroie sur ses propres capacités à s’orienter ou à utiliser les moyens d’information correspondants. Cette expression renvoie également à la notion relativement récente en psychologie de métaconnaissance ou métacognition. ‘ «Les métaconnaissances se définissent comme le savoir que la personne possède sur son propre savoir …elles jouent un rôle important dans la régulation de l’activité, dans la planification des actions et dans la prise de risque » (VALOT, GRAU, AMALBERTI, 1993) ’. C’est l’existence de ce mécanisme cognitif qui alimente le savoir dont nous pouvons disposer sur notre propre activité et en particulier sur notre savoir. D’après le dictionnaire des sciences cognitives, elles ‘ « sont acquises graduellement comme les autres connaissances et elles peuvent être activées de façon automatique (grâce aux indices prégnants de la situation) ou délibérée (lors de la recherche d’une stratégie de résolution). Elles peuvent être insuffisantes, exactes, incorrectement rappelées ou mal utilisées… »

Il n’existe pas d’études sur le lien entre les métaconnaissances et l’activité d’orientation.

Trouver son chemin dans de nouveaux environnements, sans aide extérieure orale ou écrite, signifie que l’individu ne peut anticiper ni les lieux ni les actions. Il découvre les lieux au fur et à mesure de son déplacement, sous une forme de contemplation active par l’attribution d’une action. Comme l’individu a besoin de «connaître» l’environnement dans lequel il se déplace, il l’observe méthodiquement et reste attentif à ce qui l’entoure : aux formes qui se dessinent, aux objets qui naissent puis s’évanouissent, aux objets qui se détachent du décor par des caractéristiques plus ou moins saillantes, aux couleurs plus ou moins soutenues, aux différentes scènes visuelles qui se succèdent durant son déplacement. Le niveau d’attention varie selon les perspectives d’utilisation (le trajet peut être effectué une fois ou plusieurs). Il est manifestement modéré lorsque l’individu sait qu’il effectuera le trajet une seule fois. En revanche, il sera soutenu lorsque ce trajet devra être réitéré dans le même sens ou en sens inverse. Le niveau attentionnel diffère également selon les motifs de l’individu à réaliser un trajet (motifs professionnels ou personnels). Par ailleurs, il peut être amplifié suivant certaines circonstances, notamment le fait de l’expliquer à un interlocuteur non familier des lieux entraîne une prise de conscience de l’importance des repères. Les conséquences du processus attentionnel sont en lien direct avec la perception visuelle. L’attention augmente en affûtant, alors, la perception visuelle à la recherche de point de repères. La perception visuelle a un rôle dominant dans le processus d’orientation, mais ne reste pas la seule source d’information car elle peut être complétée par des inputs d’origine sensorielle divers. Les odeurs désagréables qui se dégagent d’une raffinerie de pétrole peuvent constituer un repère olfactif. En reprenant la situation la plus simple avec un degré d’attention minimal, un ensemble de mécanismes cognitifs est activé durant la tâche d’orientation.