11-1 Les stratégies visuelles lors de la reconnaissance

11-1-1 Analyse commune des stratégies visuelles des sujets orientées vers les systèmes de guidage

Les stratégies visuelles sont déterminées par trois paramètres : les durées de regard vers l’écran, le nombre de regards, et la durée moyenne d’un regard. Les durées de regard représentent les temps cumulés de tous les regards lors de la période d’affichage de l’information.

L’examen global des stratégies visuelles, pour tous les sujets, permet de distinguer de grandes variabilités inter-individuel et intra-individuel. Ce constat nous amène à analyser chaque carrefour où se produit un changement de direction. L’objectif est d’abord de spécifier les stratégies des conducteurs par typologie de carrefour et d’examiner ensuite à l’intérieur de chaque catégorie les particularités générées par l’environnement.

La stratégie visuelle vis-à-vis de l’écran se divise en deux étapes : la détection et la confirmation. La détection se caractérise par le premier regard qui correspond pratiquement à un comportement réflexe induit par un stimulus sonore. En effet, le conducteur étant prévenu de l’affichage d’une information par un signal aussi bref qu’un « bip », répond automatiquement 20 en regardant l’écran.

On peut supposer que le premier regard traite déjà l’information transmise sur l’écran car certains travaux (détaillés dans l’ouvrage de BOUCART, 1995) démontrent que l’individu est capable d’analyser une scène visuelle en 150ms. Or, la durée de regards vers les systèmes est quatre fois plus longue 600 ms.

Par ailleurs, un seul regard a été suffisant dans 17% des cas 21 (les durées ne dépassent jamais une seconde). Nous appellerons cette situation la stratégie unique. Cette stratégie est appliquée principalement lors de situation simple illustrée par un carrefour en croix ou un carrefour proposant une sélection de deux voies.

Les situations simples signifient, notamment dans notre étude, que lorsque l’individu aborde le carrefour, par le signal sonore, il sait qu’il doit changer de direction. En conséquence, la situation est déjà identifiée et la réponse s’inscrit dans une simple alternative choisir entre droite ou gauche. Un regard de moins d’une seconde permet à l’automobiliste d’interpréter l’image en fonction de la situation à venir pour lire l’indication du sens de direction.

Néanmoins, le cas le plus général concerne la réitération des regards. Cette dernière est motivée par un besoin de confirmation de l’interprétation du message inhérente à la première lecture. Secondement, la tâche de conduite du véhicule reste une priorité au niveau attentionnel tout en étant partagée avec la tâche d’orientation. Le comportement visuel lié à la tâche secondaire sera alterné en fonction des conditions de la tâche principale (tenue du véhicule, trafic, signalisation…) ce qui explique aussi les nombreux allers-retours entre la scène routière et la scène représentée.

Cependant, une répétition abusive peut laisser présager d’une éventuelle difficulté à juxtaposer l’information du système à la scène réelle dans une dynamique de reconnaissance. Les perturbations liées à la tâche de reconnaissance finissent par interférer la compréhension des opérations à réaliser.

Dans une tâche d’orientation, l’action est déterminée par la configuration de l’environnement. Par conséquent, la compréhension va dépendre de la construction de la représentation à finalité spatiale. A partir de là nous supposons deux stratégies possibles chez les conducteurs indépendamment du système proposé. Certains sont capables d’analyser la situation à partir de leurs représentations spatiales suite à une activité perceptive réduite, alors que d’autres éprouvent de réelles difficultés à reproduire mentalement la scène perçue, à partir du support, pour y adopter une action. Ces derniers se reposeront sur une activité perceptive visuelle récurrente.

Si certains regards peuvent être très courts, d’autres sont extrêmement longs. Ces valeurs excessives ne peuvent assurément recevoir la même interprétation. Les temps très courts correspondent soit à une prise d’information soit à une vérification de l’image sur l’écran. Le conducteur va rapidement contrôler l’écran après avoir entendu le signal sonore (annonçant l’introduction de l’image) tout en surveillant le trafic. En revanche, les regards unitaires démesurément longs sont possibles seulement si la situation le permet, comme l’attente à un feu rouge. Il peut s’agir d’un véritable traitement de l’information à visée de compréhension. Dans le cas où le feu rouge est très long, le système peut devenir un moment de divertissement.

En conclusion, ces observations générales sur le nombre et la durée des regards révèlent une différence importante de comportement en termes de prise d’informations. Nous nous attacherons à déterminer si la performance des sujets du premier trajet - avec les temps de regards et le nombre d’erreurs - est liée au type de système d’information.

Le trajet expérimental a été définit volontairement par une diversité de configurations, aussi certaines caractéristiques spatiales peuvent contribuer à la variabilité des résultats.

Notes
20.

Faut-il parler de réflexe ou d’automatisme ? HOC (1987) différenciait les deux pour lever l’ambiguïté causée par l’association de deux termes « activités réflexes ». Selon lui, les automatismes font l’objet de longs apprentissages et font appel à des activités cognitives très élaborées alors que les réflexes sont liés au conditionnement, innés ou acquis. Dans notre cas, répondre à un stimulus est de l’ordre du réflexe.

21.

17% a été calculé sur la base sur l’ensemble des situations : nombre de sujets *nombre de carrefours.