11-1-2-2 Les différences selon la configuration des carrefours

Afin d’examiner plus finement cette différence significative, nous allons procéder à une analyse systématique de chaque intersection du trajet intégrée dans le système d’aide.

Carrefour simple

La simplicité de l’intersection génère de courtes durées de regard en une seule réitération, tout au plus. D’ailleurs, elle représente le cas de figure idéal de la stratégie visuelle unique. Les stratégies visuelles différencient les deux systèmes de guidage : le système Symbolique sollicite en moyenne un regard de 0.5 seconde alors que le système Figuratif nécessite 0.15 seconde de plus soit 0.65 seconde.

En raison de la performance du système Symbolique dans des configurations simples, il est envisageable de supprimer toute information liée à l’environnement. Pour se faire, le système doit présenter les indications de direction juste avant l’intersection auquel cas une confusion entre deux intersections pourrait se produire. Cette formule avec uniquement des flèches est d’ailleurs déjà adoptée, elle est cependant appliquée à toutes les situations mêmes lorsque celles-ci ont une structure complexe.

Carrefour avec giratoire

Sur notre trajet expérimental, six carrefours étaient dotés de ces composants routiers dont deux au format « pachydermique » (Carrefours 19 et 20). Les moyennes des durées cumulées des regards lors du passage de ces deux derniers ronds-points sont les plus élevées : plus de 7 secondes pour le carrefour 19. L’activité perceptive importante liée à ce carrefour s’explique d’une part par un temps d’affichage plus long. En effet, pour ce carrefour atypique, nous avons pris la décision de présenter l’information prématurément, de façon à ce que les conducteurs puissent intégrer le message avant l’entrée dans le giratoire. Les résultats montrent que ce ne fut pas suffisant car l’ensemble des conducteurs a confondu deux sorties. Selon les verbalisations des conducteurs, la difficulté réside dans l’interprétation du graphisme représentant le rond-point. De ce point de vue, aucun des deux systèmes n’est efficient compte tenu de la prolongation de l’activité perceptive des sujets. Cette dernière s’explique à la fois par la lecture due à une difficile compréhension du message et les relectures de l’information précédant l’erreur commise.

En ce qui concerne le carrefour 20, les durées moyennes des regards cumulés discriminent les systèmes de guidage : le système Symbolique sollicite un peu plus de 5 secondes l’activité visuelle tandis le système Figuratif demande près du double (9.5 secondes). Cette différence se justifie par la particularité du sens giratoire et surtout de l’action associée. En effet, à cette intersection, les sujets doivent aller tout droit mais en empruntant un rond-point ce qui fait que la linéarité de la route est quelque peu contrariée par la structure arrondie du giratoire. La photographie du système Figuratif, montre (voir annexe 2) le rond-point dans une perspective frontale et non globale. De plus, la flèche qui représente la trajectoire épouse une forme légèrement convexe pour rester le plus fidèle possible à la réalité. Or, cette présentation crée une confusion car la flèche est incohérente avec le paysage. Malgré la difficile interprétation, les conducteurs ont compris le message qui stipule d’« aller tout droit ». En réalité, la confusion a persisté au niveau de l’interprétation des lieux : ils n’étaient pas préparés à emprunter un sens-giratoire. Cette confusion est moins forte chez les sujets avec le système Symbolique grâce au dessin du rond-point dans sa forme globale. Ce dessin a servi de contexte et par conséquent a permis l’anticipation.

A ce sujet, nous avons relevé parmi les critiques du système Figuratif la difficulté à accommoder les prises de vues des photographies à la scène réelle. L’accommodation est liée à la confrontation entre un domaine dynamique généré par la situation de la conduite et celui statique, de la photographie où l’image est figée. Concernant les ronds-points, il apparaît fondamental de présenter le carrefour dans son ensemble pour faciliter l’anticipation à l’exception peut-être de la situation simple où il faut tourner à droite.

L’ensemble des sujets adopte, finalement une activé visuelle soutenue par nécessité car la configuration du carrefour est telle qu’elle empêche la visibilité du carrefour dans sa totalité, et donc entrave l’anticipation.

Nous supposons que la compréhension de la situation est perturbée par la reconnaissance des lieux dans le sens où les caractères de l’information présentée dans les systèmes ne permettent pas une identification du carrefour en question. Tant que la représentation n’est pas effective, la compréhension de l’opération ne peut être efficace (sauf dans le cas où il faut aller tout droit).

Il est certain que ces configurations sont extrêmement difficiles à représenter sous forme graphique dans la mesure où il faut réaliser le symbolisme de l’action à venir, ce qui est indubitablement le plus délicat.

Carrefour avec feux

Cette catégorie génère des comportements relativement variables en fonction de la vicissitude de la couleur des feux. Nous n’avons pas pu contrôler l’effet de la couleur de cette signalisation sur les stratégies visuelles ce qui signifie que nous n’avons pas pu différencier et examiner les comportements des conducteurs vis-à-vis des systèmes pour chacune des situations provoquées par les variations des feux tricolores. Toutefois, nous avons constaté une influence des systèmes sur les temps de regard.

L’attitude est en effet différente selon que l’écran affiche une information Symbolique ou une information Figurative. Dans le premier cas, le sujet peut se lasser assez vite, car l’information n'est guère attractive et reste simple, par conséquent les temps de regards ne seront pas excessivement longs. Par contre, dans le second cas, les temps de regards peuvent être indéfiniment longs, car les sujets en profitent pour examiner plus attentivement l’image ou le décor figuré, sinon ils regardent simplement pour occuper leur temps.

Cependant, ces temps de consultation démesurés ne constituent pas une garantie pour ne pas se tromper car certains sujets en regardant très peu de temps ne se sont pas égarés au second passage (sans système). Il n’y a pas de lien entre les stratégies visuelles et les erreurs.

Du fait de la relation entre la durée d’un feu de circulation et la durée des regards du conducteur, nous avons supposé que le nombre d’erreurs commises au second trajet dépende de la couleur du feu de circulation lors du premier trajet. En d’autres termes, si le feu est rouge au moment du passage du sujet, celui dispose d’un temps « libre » plus important pour regarder l’écran.

Conclusion 

En terme de stratégies visuelles, le système Symbolique s’avère plus performant que le système Figuratif. Il sollicite moins longtemps et moins souvent l’activité perceptive des conducteurs. La simplicité du système semble suffisante dans le cas où l’information est envoyée précisément avant l’intersection. L’information spatiale est donnée par la scène routière et l’action par le système, l’association est alors inférée par le conducteur qui répond à un stimulus directionnel. Cependant, il faut souligner que ce scénario est approprié quand la situation est simple. Dès lors que la trajectoire se complexifie, nous avons vu une modification des stratégies visuelles. La nécessité de contextualiser l’opération devient évidente. Certes, la représentation analogique telle que nous l’avons proposé contient un certain nombre d’imperfections qui freinent la reconnaissance et donc la possibilité d’anticiper. Deux contraintes majeures ont perturbé l’accommodation de l’information figurative à la scène réelle : l’affaiblissement des contrastes des couleurs dû au soleil et le décalage entre les prises de vue des photographies et la scène routière.

Dans la partie suivante, nous verrons que les stratégies visuelles n’ont pas eu globalement d’incidence sur la tâche de guidage. Nous expliquerons pourquoi les systèmes ne se distinguent pas dans la fonction d’assistant à la navigation.