11-2-2 Le carrefour 19 : un sens giratoire atypique

Un peu plus loin au carrefour 19, la plupart des sujets se sont heurtés à de nouvelles difficultés pour passer ce rond-point. Aucun des deux systèmes ne s’est avéré satisfaisant car la difficulté tient à la configuration même de ce sens giratoire. (voir dessin ci dessous ;figure 11-1)

La route à suivre forme un « U » inversé, et ceci crée inévitablement une ambiguïté, ce retour signifie pour certains sujets de revenir sur la route qu’ils viennent de laisser.

Mais à l’excepté de ces carrefours un peu particuliers, les deux systèmes proposés restent performants. Par conséquent, on ne peut pas confirmer l’hypothèse selon laquelle le système Figuratif est plus performant que le système Symbolique.

Cependant, le soleil n’est pas le seul élément responsable car trop de détails informationnels nuisent à l’information. Compte tenu de la vitesse et de la rapidité, le conducteur est amené à prendre des décisions, une information trop riche peut être préjudiciable.

Des études précédentes (citées dans PAUZIE et VERNET, 1996) avaient constaté que les conducteurs mémorisent le message complexe concernant le rond-point avant d’aborder le carrefour afin d’être opérationnels et surtout cette stratégie leur évite de lire l’écran pendant la manœuvre.

La consultation d’une information dans un sens giratoire ne peut être, par conséquent, qu’une lecture de confirmation. L’information a permis aux conducteurs de se créer une représentation du carrefour. En tant qu’automobilistes confirmés, ils ont tous une représentation générique d’un sens giratoire et ils vont comparer leur propre représentation du sens giratoire avec la représentation graphique du système. Deux types de comportements sont envisagés :

  • Il y a accommodation entre la représentation cognitive et la représentation graphique, par conséquent l’automobiliste va adopter un comportement en fonction de cette représentation : il doit faire le tour complet et revenir sur la route actuelle. Une fois dans le rond-point, il va découvrir une autre sortie du rond-point et à ce moment-là il va hésiter et comprendre son erreur.
  • Il n’y a pas accommodation ce qui entraîne la prise de conscience d’une difficulté. Cette prise de conscience va inciter l’automobiliste à rechercher une solution. Si la solution est trouvée avant d’aborder le sens giratoire, l’automobiliste prendra la bonne sortie. Par contre s’il n’a pas la solution, il adoptera un comportement d’exploration avec ralentissement du véhicule et prospection du carrefour.

Dans le travail de synthèse de PAUZIE et VERNET (1996), un certain nombre de recommandations sont avancées sur la présentation des informations dans les systèmes de guidage embarqué, notamment dans le cas des intersections complexes telles que les ronds-points. La nature de l’information (visuelle/auditive, statique/dynamique) doit s’adapter au contexte routier et à la configuration du rond-point. Une première distinction concerne l’angle d’ouverture entre l’axe d’entrée dans le carrefour et l’axe de sortie. Si l’angle est inférieur à 180°, une information statique est recommandée (carrefour 3 dans notre étude, voir annexe 2). Au-delà de 180°, le fléchage indiquant la route à suivre doit être nécessairement dynamique et synchronisé avec la manœuvre de l’automobiliste. En d’autres termes, l’information sur l’écran doit évoluer en parfaite synchronisation avec la position réelle du véhicule dans le carrefour. Dans le cas où l’information n’est pas dynamique, il est nécessaire de rajouter des repères visuels identifiant la localisation de la sortie (feu tricolore, indications sur les panneaux de signalisation…).

La difficulté à comprendre un message statique dans une configuration où l’action finale n’est plus dans l’alignement de l’automobiliste rappelle la difficulté inhérente à la lecture des plans (MAY, PERUCH, 1995 ; LEVINE 1985). En effet, lorsque l’axe de sortie dépasse 180°, l’information statique oblige l’individu à faire une rotation mentale de sa prochaine position dans le carrefour, avec en corollaire l’identification de la sortie. Ainsi, deux opérations cognitives surchargent la mémoire de travail qui doit traiter en parallèle des informations propre à la situation de la conduite (contrôle du véhicule et du trafic). A ce propos, les travaux de SHEPARD et METZLER (1971) ont trouvé que plus l’angle de la rotation nécessaire pour faire coïncider deux objets était grand, plus le temps de réponse des individus augmentait. Ce résultat, référé dans la littérature, apporte la démonstration des exigences cognitives des rotations mentales. Ainsi, le temps exigé semble par conséquent préjudiciable en situation de conduite automobile! Les travaux plus récents de MAILLES (1991) mettent en comparaison les rotations d’objets statiques et dynamiques. Elle constate une meilleure performance des sujets lorsque le mouvement de l’objet est « inventé » car il est schématisé alors que dans l’autre cas, les sujets vont chercher à reproduire mentalement le mouvement tel qu’ils l’ont perçu.

Les résultats précédents sur la rotation mentale valident les recommandations données par PAUZIE et VERNET concernant le mode de présentations des carrefours complexes. Tout d’abord, une vue globale, et statique, du carrefour avec tous les embranchements figurés permet aux conducteurs de construire une représentation imagée suffisamment précise du lieu à appréhender, voire « d’imaginer » le mouvement à accomplir.

Puis, l’information dynamique intervient au cours de la manœuvre, elle se présente comme complémentaire au message précédent. Elle est économique puisqu’elle allège la mémoire de travail d’une tâche de rotation mentale.

Cependant, l’information dynamique est-elle suffisante dans le cas d’une densité importante de véhicules dans le sens giratoire ? L’automobiliste préoccupé par la gestion du trafic ne peut pas suivre en parallèle l’évolution du système de guidage. Un repère physique semble donc primordial pour la localisation de la sortie. Dans notre expérimentation, le pictogramme ou logo du restaurant rapide Mac Donald aurait pu être utilisé pour indiquer la sortie dans le sens giratoire du carrefour 19.

En conclusion des résultats du premier trajet 

Les stratégies visuelles des conducteurs discriminent les systèmes, ceux-ci offrent un guidage aussi efficace en regard du nombre des erreurs.

L’information visuelle a certainement contribué à cette performance cependant elle n’est pas exclusive car d’autres paramètres subsidiaires interviennent. Le signal sonore en fait partie. En effet, la brève information sonore envoyée avant le déclenchement du système, a pour rôle de préparer le sujet à lire une indication d’orientation, et ceci précisément avant le carrefour supposé au changement.

Ce signal facilite l’anticipation, notamment dans le cas de carrefours simples car les sujets sont face à une alternative et la lecture de l’information visuelle va venir répondre à leur interrogation non consciente. Les rares erreurs rencontrées durant ce premier trajet sont liées à une inadéquation de leur questionnement et de la proposition du système.

Mais encore, la performance du système dépend de ses autres caractéristiques : constance, ponctualité, pragmatisme, facilité d’usage…