19-2 Distinction entre le milieu urbain et le milieu souterrain

Le milieu urbain est un espace ouvert alors que le souterrain est naturellement un espace fermé. Cette condition va déterminer les besoins en information selon certaines priorités. L’information disponible dans l’espace urbain vise prioritairement les automobilistes. De fait, le piéton n’a qu’une solution se repérer en fonction d’une signalétique qui est parfois inadéquate. Cette signalétique peut guider le piéton en promenade urbaine mais de toute évidence ne concerne pas le piéton en transit entre deux moyens de transport collectif. Les gares sont éventuellement plus signalées en zone urbaine que les stations de métro. Manifestement, les grands oubliés sont les arrêts de bus !

Dans les stations de métro, la signalétique accompagne le piéton de son entrée jusqu’au quai, et inversement du quai jusqu’à la sortie. Cependant, cet accompagnement n’est pas toujours cohérent ou adapté, le piéton peut rencontrer un autre type de problème : la surcharge informationnelle.

On peut constater globalement que dans les stations de métro, les performances des fiches sont équivalentes. Les différences ne sont pas significatives sauf dans les correspondances de Campo Grande et de Palhavã, où apparaît la supériorité du Texte sur le Plan et sur le groupe Témoin.

De toute évidence, des indications de guidage empruntées à la logique urbaine ne sont pas adaptées à un espace fermé s’articulant différemment. Les indications des fiches fixent le trajet dans une seule voie alors que les indications disponibles à l’intérieur proposent plusieurs accès. Ces deux logiques spatiales s’opposant laissent le voyageur dans une certaine perplexité ; c’est pourquoi le groupe Témoin a eu des résultats parfois meilleurs que les autres groupes car il disposait d’une information simple et suffisante lui permettant d’atteindre directement son but, sans confrontation d’informations.

Les successifs changements de direction exprimés dans un texte peuvent troubler le participant. Lorsque celui-ci se fourvoie, il est possible qu'il ne puisse pas identifier le lieu de sa confusion et encore plus difficilement la direction qu’il doit prendre.

En définitive, l’information sur le cheminement dans les stations du métro, des gares ou des aérogares doit suivre scrupuleusement les indications de la signalétique. -Encore faut-il que cette signalétique soit complète et cohérente !- Le point d’achoppement de l’information dans les stations de métro concerne moins l’espace souterrain que la transition entre cet espace et l’espace de la ville. La signalétique interne informe et oriente plus ou moins efficacement selon les réseaux. Par contre, le point commun de ces réseaux réside dans l’absence d’information au niveau des sorties. Si elle existe, elle n’est pas suffisante pour guider correctement les individus dans le quartier avoisinant. GOLEDZINWSKY, dans une étude déjà ancienne (1976) sur la représentation de l’espace souterrain, soulevait la défaillance dans la chaîne d’informations entre l’intérieur et l’extérieur où le voyageur ne dispose d’aucune représentation spatiale de la surface. Les seules aides disponibles prennent la forme de plan de quartier qui ne satisfont pas l’ensemble de la population utilisatrice. Ils sont souvent plus décourageants que les plans sur papier libre car ils ne peuvent pas, matériellement, être manipulés. La manipulation facilite la compréhension puisque le plan est orienté selon la position du lecteur. La seconde contrainte des plans muraux oblige l’utilisateur à se servir de sa mémoire pour retenir l’information nécessaire à son déplacement. L’itinéraire une fois construit doit être maintenu en mémoire pendant toute la durée du trajet. Or, la représentation spatiale que l’individu a élaborée ne coïncide pas toujours avec l’espace réel. La reconnaissance des lieux dépend de la prise d’information et du traitement. Les noms des rues, les repères saillants, l’agencement des objets, le nombre de changements de direction sont autant d’éléments qui permettent de construire une représentation suffisamment fiable et opérationnelle une fois dehors. Le maintien, en mémoire de travail, de toutes ces informations participe activement à la reconnaissance. L’orientation spatiale dans ses conditions sollicite fortement la MDT dont les limites vont dépendre à la fois de son potentiel de stockage, des contraintes de traitement et également de la prestation de l’attention (BADDELEY, 1992). Or, cette double capacité de la mémoire de travail face à une tâche complexe est plus ou moins bien partagée chez les individus. Les personnes âgées sont notamment les plus sensibles (HUPET et VAN DER LINDEN 1994 ; BRUYAS, 1997). Bien que la mémoire de travail soit relativement épargnée par le vieillissement, les sujets âgés seraient confrontés à une plus grande difficulté pour réaliser en même temps, un maintien et un traitement de l’information. ‘ « On peut supposer qu’un accroissement de complexité augmente les exigences en ressources de traitement et que la performance des personnes âgées est plus affectée que celles des plus jeunes car ils disposent de moins de ressources » (HUPET et VAN DER LINDEN, 1994, p.24).

Par conséquent, les fiches de nature textuelle et figurative présentent un intérêt certain puisqu’elles économisent des ressources cognitives en offrant une information, disponible à volonté. Les indications sont données de la même manière qu’une représentation « type route » c'est-à-dire avec un référentiel égocentré associé à la description des « vues locales » rencontrées successivement tout au long du cheminement (THINUS-BLANC, 1996). L’information sur l’environnement est, par conséquent, dans la même orientation que celle perçue par l’utilisateur.

Finalement, les fiches ont l’avantage d’assurer une liaison, au niveau représentationnel, de l’environnement, quel que soit le mode de présentation. De cette manière, les voyageurs sont, d’une part, informés de la sortie à prendre et disposent, d’autre part, d’une pré-connaissance de la zone en surface qu’ils vont rencontrer. L’environnement ainsi que la procédure seront intériorisés grâce à la formation d’une image mentale. Ainsi, la représentation imagée permet de voyager virtuellement ; elle sert à visualiser une configuration d’un point de vue particulier (TVERSKY, 1991). Elle sert également à la compréhension d’énoncés (DENIS, et COCUDE, 1989 ; DENIS et DENHIERE, 1990) car elle offre une occasion de « visualiser »mentalement une situation dont les composants peuvent être imageables. Il est envisageable de penser que la visualisation des éléments spatiaux et figuraux dépend de la description donnée et du format de la description. Les représentations imagées ne peuvent avoir la même précision et le même contenu selon le format verbal, figuratif ou schématique de la description. Le Plan donne une information sur la nature, la disposition des éléments et la relation entre eux ; l’image mentale reste naturellement abstraite. Seuls, certains éléments déjà catégorisés en mémoire à long terme peuvent être dotés de traits spécifiques (ex : la présence d’un musée dans la description peut évoquer la forme architecturale d’un musée connu). Dans ce cas, la représentation n’entrave-t’elle pas la reconnaissance ? Si l’élément imagé est trop éloigné de la forme réelle, l’individu court le risque de ne pas reconnaître l’élément en question, ce qui empêche toute localisation et prise de décision sur la direction. Si l’individu pense rencontrer une église romane, il sera surpris de découvrir que celle-ci prend les formes d’une église moderne.

L’avantage d’une description verbale par rapport au plan est la précision de la définition des repères. Cependant, le texte est « réducteur » dans le sens où il ne donne que les informations rencontrées par l’intéressé durant son cheminement. La structure séquentielle du texte ne permet pas de déviation descriptive environnementale au risque de « noyer » le lecteur. ‘ « Plus un texte est structuré, plus le rappel se fera dans de meilleures conditions. » ’ Cette conclusion de DENIS et DENHIERE (1990) confirme l’influence de la structure interne du texte sur la compréhension des configurations spatiales. Ainsi, la description verbale est nécessairement sélective au niveau des éléments environnementaux en raison des contraintes linéaires du discours.

En revanche, la photographie propose une description globale et synthétique de l’environnement puisqu’elle fournit le « contexte physique » de l’itinéraire.