19-3 Les différents modes de langage

Les Plans sur lesquels une flèche est tracée symbolisant la direction à suivre ne représentent pas les supports appropriés au guidage. Certaines études ont montré que le principal problème dans la manipulation des cartes routières et des plans urbains réside dans la présentation de l’information topographique par rapport à l’offre spatiale visuelle de l’environnement. Des travaux du ressort de la géographie cognitive ont démontré les difficultés d’utilisation des plans de bâtiments quand le point d’observation du plan (« You are here map », LEVINE et al. 1982) n’est pas aligné avec l’environnement. Lorsque les individus apprennent des relations spatiales à partir d’une carte « mal orientée » (angl. « misaligned »), ils prennent significativement plus de temps pour s’orienter et ils font plus d’erreurs que lorsqu’ils apprennent à partir d’une carte bien orientée, c'est-à-dire lorsque la direction sur la carte est dans le même alignement que l'espace réel. Par ailleurs, ces mêmes travaux font parallèlement référence aux hypothèses de la rotation mentale pour expliquer la difficulté à interpréter une carte « mal orientée ». La rotation mentale (SHEPARD et COOPER, 1982) est un processus cognitif qui permet de pallier les problèmes de lecture de carte non alignée. Cependant, cette capacité discrimine les individus et de façon irréversible, ce qui expliquerait pourquoi certains individus ne sont pas enclins à les utiliser.

En résumé, un plan est un outil précieux pour la préparation d’un trajet, car il permet l’anticipation des directions jusqu’à la destination finale. Il facilite la pré-connaissance des lieux puisqu’il fournit des informations exocentrées offrant à l'intéressé la possibilité d'organiser, de planifier et d'optimiser son itinéraire (PASSINI, 1984). Dans cette étude, le Plan est moins pertinent que le Texte, habituellement appelé description d'itinéraire, et que le Figuratif, baptisé « Photoguide ».

Ces deux supports, la description d’itinéraire et le Photoguide, ont des performances complémentaires qui sont dépendantes du contexte environnemental.

Quotidiennement employé dans les situations de recherche d’itinéraire, le langage n’est que très récemment étudié et analysé sous l’angle des descriptions d’itinéraires (DENIS et DENHIERE, 1990 ; DENIS et ZIMMER, 1992 ; GRYL, 1995). Il paraît évident, d’une façon empirique, que les gens soient capables d’utiliser des descriptions linguistiques pour des configurations spatiales qu’ils n’ont jamais explorées, car ces descriptions permettent de construire des représentations internes de ces configurations. Les représentations sont à la fois de type procédural (l’action) et déclarative (l’environnement).

Ces premiers résultats sur l’introduction de l’image dans l’aide au guidage sont plutôt encourageants.

Par contre, à l’intérieur des stations de métro, les supports n'ont aucune incidence sur les performances des utilisateurs en termes de cheminement. En effet, l’étude montre que l’information spatiale « type route » est inutile dans les stations de métro -notamment celles de Lisbonne- si elle est reprend les indications de la signalétique appartenant à la station.

Ainsi, les points de repère représentent une cible visuelle qui donnent un contexte à la prise de décision c’est en ce sens qu’ils aident au guidage. Les représentations textuelles ou figuratives obligent le concepteur, au moment de la définition du trajet, à se positionner de façon à avoir les mêmes "vues frontales" que le futur utilisateur de ces renseignements spatiaux. Ces derniers supports facilitent la reconnaissance des objets et permettent aux utilisateurs d’être opérationnels plus rapidement car ils n’hésitent pas ou moins sur la direction à prendre. Plus particulièrement, cet aspect est l’apanage du Photoguide car l’analogie entre la situation illustrée et celle réelle permet de déterminer instantanément la direction à prendre. Ce support peut par conséquent aider les individus qui confondent la droite ou la gauche. Par ailleurs, les remarques concernant les plans ne sont certainement pas valables pour les experts ou ceux qui ne rencontrent aucune difficulté à les interpréter. En définitive, ces trois supports sont loin d’être concurrents, car ils répondent à des besoins cognitifs différents.

Dans les rapports entre explication ou « commentaire » et représentation imagée, se différencie ce qui d’une part relève de procédures de traitement analytique (on décrit, on explique, on décompose puis on recompose en vue de donner « image » verbale de quelque chose, d’une situation ) et de l’autre le traitement est de type analogique avec la « réalité » (on représente, on évoque, on dessine, on « fait image »). Le second système va intervenir fréquemment, voire être imposé comme support, en d’autres termes comme « condensation » du premier, en l’occurrence, donc, il sera proposé comme médium résumant et favorisant des séquences multiples d’explications ou d’instructions. (VIGNAUX, 1992, p.60)

L’étude de TAYLOR et TVERSKY (1996) montrait que le type de perspective au niveau représentatif est fonction du site. Ils constatent notamment que la ville sollicite plutôt une représentation de type « survol » car les chemins sont variables, tout comme la taille de repères ; alors qu’un centre commercial est traité en une représentation type « route ». Le centre commercial offre des caractéristiques communes à la station de métro, dont la plus évidente est d’être un espace fermé ce qui empêche une représentation globale, car les voies empruntées ressemblent davantage à des couloirs de labyrinthe qu’à des voies ouvertes. En d’autres termes, le déplacement est vécu comme « un mouvement conditionné par l’architecture » par ailleurs ces espaces clos sont régulièrement bâtis sur plusieurs étages. Des lors, il devient difficile d’organiser toutes ces données dans un format global. En définitive, la représentation type « route » semble plus économique au niveau cognitif.