19-5 Relations entre l’appréciation d’un langage et l’application de ce langage dans une tâche d’orientation

S’orienter reste une tâche relativement complexe, qui en situation réelle est associée à des états émotifs conséquents. Le fait d’être perdu est un sentiment désagréable qui peut aller jusqu’à des états d’angoisse importants. C’est pourquoi le moyen d’information doit être rassurant et efficace. Nous en avons testé trois dans cette étude en modifiant la forme expressive que nous avons intitulé le langage textuel, le langage schématique et le langage image. Nous avons établi un questionnaire afin de vérifier la sensibilité des sujets vis-à-vis de chacun de ses langages. L’objectif était de rendre compte de l’influence de la sensibilité pour un mode d’expression sur une tâche où ce langage est mis à contribution. En d’autres termes, nous supposons que l’intérêt pour un mode de langage peut augmenter la performance.

En ce qui concerne le Texte, le questionnaire ne semble pas approprié puisque nous obtenons une relation inverse. Plus la performance est bonne, plus l’intérêt pour la forme écrite est faible. En réalité, les questions traitent essentiellement de l’aspect littéraire et ne sont donc pas adaptées à ce qui nous préoccupe. En fait, il serait plus intéressant et pertinent de réaliser une étude différentielle entre des individus « illettrés » (avec des difficultés pour lire) et d’autres avec une plus grande expérience de l’écrit.

En ce qui concerne le questionnaire sur les images et celui sur les plans, les résultats sont prometteurs. Plus la performance de la tâche pratique est élevée, plus la motivation à employer les supports est forte. Ces deux questionnaires méritent d’être exploités, approfondis et re-testés sur des échantillons plus importants.

Compte tenu de ces résultats, nous pensions obtenir des conclusions similaires avec le MPFB (test visuo-spatial). Or, les performances du MPFB ne peuvent pas prédire les performances d’une tâche de guidage mais celles d’un exercice exigeant une tâche de rotation mentale (exercice 15). Nous allons essayer d’expliquer ces différences.

Les différences de résultat entre le MPFB et l’exercice 15 du QSL S, bien qu’ayant le même motif (évaluer la capacité à retourner des objets spatiaux) diffèrent sur les caractéristiques de la tâche. Dans le MPFB, il faut retourner plusieurs éléments afin de retrouver la figure standard. Les objets sont quelconques, de forme géométrique. Tandis que le second prend la forme d’un unique objet, parfaitement identifié à vocation spatiale. Le plan proposé est en opposition au lecteur l’obligeant à une rotation mentale pour les réponses. La tâche est simple puisqu’il s’agit de donner les successifs changements de direction. D’ailleurs, les 9 réponses sont systématiquement justes ; seuls les temps de réponses discriminent les sujets entre les lents et les rapides. La variance des temps montre que les problèmes sont de difficultés différentes selon les sujets. Ces deux tests (MPFB et exercice 15) montrent comment le processus de rotation mentale peut être mis à contribution en variant les dispositifs.

La difficulté est également liée au dispositif ‘ « les formes faciles à encoder qui ont une configuration interne simple ou qui peuvent être aisément décrites à l’intérieur de l’espace du dispositif sont reconnues plus rapidement que celles qui nécessitent des niveaux multiples d’encodage » (BIALYSTOK JENKIN, 1998, p72) ’. Dans les cas complexes, d’après les mêmes auteurs, un peu plus loin dans le texte, il n’existe pas une description unique de la rotation mentale et ils supposent que les individus sont capables de coder l’information extraite du dispositif, la plus pertinente pour la solution du problème et sont capables de l’utiliser efficacement. Changer les spécifications du dispositif, c’est changer le problème de sorte que la solution qui convient à l’un ne convient pas nécessairement à l’autre. Par ailleurs, nous avons vu qu’il existe une relation positive entre la réussite d’une tâche avec lecture d’un plan et le fait d’être favorable à leur emploi, et d’autre part avec une tâche réelle de déplacement nécessitant l’emploi d’un plan. Des études sur l’emploi des cartes (LEVINE et al., 1982 ; MAY, PERFUCH, et SAVOYANT, 1995) montrent que la difficulté réside dans les problèmes « d’alignement », qui sont quant à eux tributaires des capacités de rotation mentale. Le traitement de la rotation mentale viendrait résoudre les problèmes de mauvaise « orientation ». Ainsi, la compréhension et le bon emploi des cartes sont déterminés par la capacité cognitive à manipuler des objets mentaux. Une personne qui excelle dans ce type d’exercice ne peut être réfractaire à utiliser des cartes pour se déplacer dans un environnement inconnu. Nous voudrions insister sur le fait que l’incapacité peut induire un comportement de « fuite » vis-à-vis de l’objet en question. Les personnes réfractaires à l’emploi des cartes vont adopter une autre stratégie pour s’orienter en demandant par exemple une explication du trajet à suivre.