I.1.3.4 Le son est une entité qui évolue dans l'espace

À côté de cette évolution temporelle, on peut mentionner une évolution (et donc une existence) spatiale des sons perçus. Un récepteur sonore ne capte pas le même signal selon la position qu'il occupe par rapport à la source. La variation de la perception humaine par exemple, peut conduire à des connaissances intuitives, qui elles-mêmes ont des conséquences kinesthésiques : on se rapproche intuitivement de la source sonore pour "mieux" entendre, ou on s'en éloigne pour être moins gêné. La théorie événementielle de Casati et Dokic (1994), étant à la recherche d'un "objet-source" du son, réfute cette vision des choses en objectant en particulier que le fait d'affirmer que les sons remplissent la pièce ne peut pas être pris littéralement et ‘"n'exprime rien d'autre que le fait que le son est audible à chaque endroit de la pièce"’ (p.52). Ceci pose le problème plus général de la localisation et de la provenance des sons, mis en opposition par Casati et Dokic. Nous plaidons au contraire pour une dialectique constante entre ces deux points de vue. Nous pensons en effet qu'il serait abusif d'affirmer soit que le son ne se situe que là d'où il provient (provenance parfois impossible à délimiter, Chion citant l'exemple du ruisseau), soit que le son ne se situe que dans l'espace dans lequel il se propage. Chion (1998) nous rappelle cependant qu'il y a des sons qui, effectivement, ‘"nous donnent plus le sentiment que leur lieu se ramène à là "où ils résonnent""’ (exemples des cloches dans une tour ou d'un coup de feu dans une forêt) plutôt qu'à ‘"là d'où ils viennent’ " (exemples du sifflement ou de l'aboiement").

On peut dire que le nombre de variables impliquées est probablement trop grand pour permettre l'élaboration d'une théorie cohérente de l'espace sonore (le fait que le caractère ponctuel de la cause ne soit pas toujours acquis, le fait que le son puisse être réverbéré ou non selon son intensité, selon la surface rencontrée donnent une idée de la diversité et de la complexité des situations rencontrées). Dans ce cas comme dans d'autres, la physique étudie alors des situations dont on contrôle le nombre de variables et les paramètres. Mais ceci n'enlève rien au fait que l'évolution des sons dans l'espace (en tant qu'onde sonore cette fois, bien plus qu'en tant que perception auditive) est bien l'objet de l'acoustique.