I.2.2.1 Les insuffisances des critères classiques

Pour mener à bien la description des caractères sonores perçus, pour aboutir à des critères de description les plus fiables et les moins subjectifs possibles, l'entreprise peut d'abord consister à corréler ce qui est perçu et les phénomènes physiques (événementiels) source des sons perçus, autrement dit à mettre en relation les causes et les effets. Il est en effet tentant de penser que la perception auditive est la perception d'événements physique réels et donc objectifs, et de croire par suite que la description de ce réel physique suffit à décrire les sons perçus, éventuellement au prix de traductions purement lexicales. Le paragraphe I.2.1 permet dès à présent de comprendre que cette "objectivation" à partir de la source tangible ou même du stimulus ne peut suffire à décrire les sons perçus. Cependant, les critères classiques de description et de classification des sons semblent bien issus d'une telle référence à la description physique des événements. Il s'agit de la hauteur, l'intensité, le timbre et la durée (ce sont d'ailleurs les caractères qu'on tente de représenter sur une partition musicale). Même des phénoménologistes comme Casati et Dokic (1994) reconnaissent que ‘"les trois coordonnées qualitatives principales du son sont la hauteur, l'intensité et le timbre"’ (p. 109). On a longtemps cherché des lois de correspondance simples entre la cause "onde sonore" et l'effet "sensation". Nous verrons dans le paragraphe suivant qu'une telle entreprise est une gageure et que si des correspondances simples sont parfois énoncées, elles ne sont que des approximations utiles dans bien des situations (en particulier d'enseignement), mais néanmoins erronées.

Nous verrons que le savoir à enseigner actuel en physique au lycée porte un intérêt tout particulier à trois de ces caractères sonores classiques (la hauteur, l'intensité, le timbre).

Mais il est relativement aisé d'illustrer l'insuffisance de ces critères pour décrire et discriminer tous les sons perceptibles, en particulier lorsqu'ils ne sont pas musicaux.

Dans un premier temps, nous pouvons signaler que de nombreux bruits n'ont pas de hauteurs précise (c'est d'ailleurs ce qui détermine, dans la conception musicale, mais aussi physique, qu'un son puisse devenir un bruit). De plus, si tant est qu'on puisse les définir précisément, la hauteur, l'intensité et le timbre d'un son donné peuvent varier de façon continue. Que devient la description d’un tel son avec ces critères ? Ces critères sont également inadaptés à la description de la parole. Et malgré les essais d'amélioration ad-hoc de cette classification (en particulier celle à 7 critères de Mott, cité par Chion), il reste toujours une grande catégorie de sons quotidiens indescriptibles par cette grille d'analyse. Nous verrons que ceci n'est pas sans peser sur le choix des sons "scolaires" d'étude dans la mesure où cette grille est sensiblement celle adopté par le savoir scolaire de sciences physique.

Quand bien même on propose l'écoute de sons auxquels on pourrait a priori attribuer une hauteur, une intensité, une durée et un timbre (des sons musicaux simples par exemple), la psychoacoustique indique de façon définitive que ces quatre paramètres auditifs n'ont pas de correspondants simples et univoques au niveau du comportement physique de la source.