III.1.2.2 Les connaissances en miettes de diSessa

diSessa (1983, 1988) a mené d'importantes recherches en didactique au sujet de la physique naïve (folk physics). Il insiste sur la très grande diversité des structures de connaissances à prendre en compte, pense que la physique intuitive consiste à utiliser un grand nombre de petits fragments de connaissances plutôt qu'un petit nombre de structures théoriques. Il cherche à comprendre la nature ces éléments de connaissances les plus petits. Il appelle ces "briques de base", ces miettes de connaissance des "p-prims" (phenomenologic primitives) et les définit comme des interprétations superficielles et auto-explicatives de la réalité physique : par exemple il n'y a pas à expliquer pourquoi l'effet est d'autant plus grand qu'on exerce un effort plus important sur un objet. Les p-prims ont un caractère phénoménologique du fait qu'elles se construisent dans l'observation des phénomènes (elles sont en quelque sorte des abstractions minimales de phénomènes simples de la vie quotidienne) et un caractère "primitif" dans la mesure où elles sont évidentes en soi, ne nécessitent aucune justification en étant prises comme point de départ (1988, p.4). Les p-prims ne sont pas vraiment structurées et elles n'ont pas de cohérence générale entre elles. Elles n'ont pas forcément de portée générale mais sont appelées en fonction de la situation proposée. La désignation d'une p-prim par un nom n'est pas toujours facile, car elles s'expriment davantage dans l'observation ou le comportement (c'est le seul moyen de les mettre en évidence). diSessa donne l'exemple de ce qu'il appelle the Ohm's p-prim qui consiste à considérer qu'un impetus agit via quelque chose qui résiste (la résistance étant plus ou moins grande) pour donner un résultat d'autant plus important que l'impetus est grand et la résistance faible. Il donne aussi une p-prim qui peut s'appliquer au son (c'est lui qui le dit) ou au mouvement et qu'il appelle "disparaître au loin" (diying away) : au fur et à mesure de son avancement, le phénomène diminue et finit par disparaître. La question du regroupement et de l'organisation de ces connaissances "en miettes" se pose alors. diSessa considère que pour le physicien on peut dégager trois structures : les concepts, les croyances puis les théories (dans cet ordre hiérarchique). Les p-prims sont des unités de connaissances bien plus petites que les concepts. Il est alors difficile de dégager une hiérarchie des structures conceptuelles chez l'élève. Les modèles mentaux sont un essai de regroupement de quelques p-prims qui seraient sélectionnés en référence à une situation donnée. Mais globalement, diSessa ne dégage pas vraiment d'ordre hiérarchique dans l'organisation des connaissances spontanées. Il reste également à déterminer une stratégie efficace pour identifier les p-prims, qui par leur nature même, sont a priori extrêmement nombreux. Cependant cette approche bien plus phénoménologique que conceptuelle est séduisante pour un sujet comme le son et nous attachons une importance toute particulière à l'hypothèse de diSessa qui consiste à penser que la science ne peut pas faire l'économie de l'expression d'une phénoménologie claire (diSessa, 1983, p. 16).