III.1.2.4 La hiérarchie des structures de connaissances selon Vosniadou

Dans ses recherches en psychologie, Stella Vosniadou s'est intéressée à la structure des connaissances naïves en physique et aux modifications de cette structure au cours de l'apprentissage. Carey (1985) a une approche similaire sur des sujets qui concernent davantage la biologie.

Pour Vosniadou (1994), s'il existe très tôt des théories naïves fortes, elles sont largement influencées par l'expérience. De la même façon qu'il est possible en science de distinguer des théories "cadres" (principes généraux, présupposés, causalités, principes logiques) et des théories plus spécifiques à un domaine donné, Vosniadou considère que les connaissances naïves sont cohérentes et structurées très tôt en framework theories et specific theories.

Les "cadres théoriques" sont constitués de l'ensemble des présuppositions ontologiques et épistémologiques, bien enracinées, qui contraignent l'apprentissage. Ce qui s'en rapprocherait le plus pour la science serait la notion de paradigme. Pour Vosniadou les éléments des cadres théoriques sont des systèmes d'explication relativement cohérents basés sur l'expérience quotidienne et confirmés depuis des années (Vosniadou, 1994, p. 49), ils conditionnent l'interprétation du monde et les productions des élèves, et ils sont assez stables. Tout ceci leur procure quelques caractères communs avec les p-prims de diSessa même si Vosniadou elle-même ne les situe pas dans ces cadres théoriques. L'affectation de certains concepts dans des catégories ontologiques (Chi) peut par contre faire partie de ces cadres théoriques.

Les "théories spécifiques" sont soumises aux contraintes fixées par les cadres théoriques. Elles sont constituées de ‘"propositions reliées entre elles ou de croyances qui décrivent les propriétés et le comportement des objets physiques’ " (p. 47). Elles sont construites à partir de l'observation (ce qui les rapproche également des p-prims de diSessa que Vosniadou compare aux croyances) et sont généralement déterminées pour un domaine donné de la physique. Par exemple, la croyance selon laquelle la chaleur peut aller par contact d'un objet à un autre plus froid est contrainte par la présupposition qui fait de la chaleur une substance. Vosniadou mentionne comme différence essentielle entre croyances et p-prims le fait que les croyances sont liées et contraintes par des présuppositions ontologiques et épistémologiques en formant ainsi, contrairement aux connaissances "en miettes" de diSessa, une structure cohérente (p.64).

A un niveau inférieur, Vosniadou parle de modèles mentaux (mental models). Cette notion relativement classique en psychologie est une sorte de représentation mentale des objets et des événements qui serait produite dans chaque situation de résolution de problèmes. Ces représentations seraient finalement des instanciations des théories spécifiques, créées sur-le-champ ("on the spot") ou rappelée à partir de la mémoire à long terme pour des modèles qui auraient déjà été construits pour d'autres situations. Le modèle est donc éphémère, très lié à la situation et appelé à évoluer fortement. Pour Vosniadou, les modèles mentaux sont la voie d'entrée par laquelle on peut espérer mieux connaître les structures de connaissances qui les ont générés. Pour ceci, et nous reprendrons cette méthodologie à notre compte, il faut révéler les modèles mentaux par des questions "génératives" qui n'ont donné lieu à aucun enseignement préalable ‘("understanding the generic mental models individuals use to answer a variety of different questions related to a given concept can provide important information regarding the framework theories and specific theories"’, p. 48).