III.3.3 Études au sujet des concepts scientifiques introduits par l'enseignement

Certains travaux s'intéressent aux raisonnements des élèves après enseignement sur des sujets qui ne peuvent manifestement pas être soumis à des élèves débutants. Ces auteurs ont alors à prendre en compte l'enseignement suivi (avec les problèmes méthodologiques inhérents à ce type d'approche puisqu'il est généralement difficile d'avoir une connaissance précise de l'enseignement effectivement suivi). Il n'est par exemple pas envisageable de demander à un élève son point de vue sur la diffraction et les interférences acoustiques avant qu'il n'ait rencontré ces concepts en classes.

Certains résultats précédents concernaient déjà des étudiants, parfois expérimentés en physique. Dans ce paragraphe, il s'agit en plus d'évoquer les sujets introduits a priori par la physique. Beaucoup de conceptions erronées semblent avoir été favorisées, voire introduites, par l'enseignement de certaines de ces notions de physique (Linder, 1992).

Ainsi, Maurines (1999) a réalisé un important travail sur la propagation des ondes sonores et lumineuses en dimension trois. Elle mène une analyse assez fine sur l'influence de l'enseignement mais aussi sur le rôle joué par les différentes représentations dans les manuels scolaires, de vulgarisation ou dans la vie de tous les jours (représentation en surface d'onde ou en rayon, voir chapitre II) sur les situations de diffraction et d'interférences. Il ressort par exemple que par rapport à la lumière, la représentation favorisée pour le son est toujours, parmi les deux possibles, la surface d'onde (on peut y voir la trace d'une mise en correspondance avec les ondes à la surface de l'eau bien plus fréquente dans l'enseignement pour le son que pour la lumière).

Linder (1992), pour sa part, plaide, après analyse de l'enseignement du son et ses échecs patents, pour un abandon du comment faire (des calculs en particulier) au profit d'une compréhension des phénomènes. Comprendre le phénomène de la propagation du son est en cela un défi intéressant car difficile si l'on souhaite ne pas s'en tenir à la capacité de faire des calculs. Il explique ainsi comment une courbe (sinusoïdale par exemple) représentant en fonction de l'espace le déplacement des masselottes sur une chaîne de ressorts (pour illustrer le mécanisme de propagation) à un instant donné induit des confusions très fortes chez les étudiants (en particulier entre perturbation longitudinale et transversale). Il plaide également pour une méfiance accrue pour les analogies ondulatoires macroscopiques, le plus souvent transversales. Il cite à l'appui Feynman qui estimait que les ondes à la surface de l'eau, reconnues par tous comme l'exemple typique d'ondes et citées en exemple dans les cours élémentaires ou les journaux et ouvrages de vulgarisation (par exemple Serres et Farouki (1997)), sont le pire exemple qu'on puisse trouver parce qu'elles ne sont en rien similaires au son et à la lumière18.

Linder cite enfin un autre exemple au sujet de la longueur d'onde. Les étudiants qu'il a interrogés donnent tous, pour l'ordre de grandeur (obtenu sans calcul) de la longueur d'onde du son d'un diapason (440 Hz) le millimètre (ou beaucoup moins). Il y a donc une focalisation sur la grandeur qui semble caractériser l'événement, à savoir ici l'amplitude de vibration. Après avoir calculé la valeur par la formule qu'ils connaissent, certains restent convaincus de leur intuition mais affirment qu'ils indiqueraient la valeur donnée par le calcul pour un contrôle de connaissances. Il y a donc ici un découplage complet entre la capacité à faire le calcul d'une grandeur et la compréhension que l'étudiant croit en avoir, et qu'il admet même ne pas être cohérente avec le calcul.

Nous avons vu au chapitre II qu'en seconde, le programme demande de savoir calculer la longueur d'onde, bien plus que d'en comprendre la signification. Pour illustrer les difficultés de compréhension d'une grandeur aussi complexe, nous donnons ci-après quelques définitions données par des élèves de seconde, après la fin de l'enseignement de la partie "sons et ultrasons". Chaque phrase a été produite par un élève à chaque fois.

Notes
18.

L'analogie classique dont il est question (vagues à la surface de l'eau) sera évoquée dans la dernier chapitre ; le fait d'utiliser une onde transversale permet notamment de rendre plus facile l'établissement de la formule λ=v.T.