IV.1.3 Un panel important de niveau de savoirs

Enfin, le son est caractéristique d'une autre difficulté posée à l'enseignement de la physique. La physique a en effet la capacité, une fois construite, de pouvoir traiter des problèmes du monde sensible à différents niveaux : description conceptualisée, interprétation généralisante des phénomènes (liens entre domaines différents par exemple, élaboration de principes généraux), prévision des événements, mise au point d'un protocole pour tester une hypothèse, invention d'une expérience de pensée, etc. De plus, le physicien peut sélectionner dans la situation les paramètres que la théorie lui permet de juger pertinents en réponse au problème posé. Il s'opère ainsi un tri des paramètres ou un raffinement plus ou moins grand des modèles utilisés. Les causalités mises en jeu peuvent être de natures variées. La physique a donc à sa disposition cette variété de niveaux de réponses de méthodes et de raisonnements. Le domaine acoustique nous semble à ce sujet tout à fait typique. La richesse du champ phénoménologique y est sûrement pour beaucoup et la diversité des disciplines s'intéressant au son en est un des révélateurs. Nous verrons un peu plus loin que c'est aussi le cas, dans une moindre mesure pour le savoir à enseigner. Une situation de propagation sonore peut par exemple être analysée en terme de déplacement du son (mesure de la vitesse, prise en compte d'éléments d'acoustique géométrique) mais également donner lieu à une analyse du mécanisme de propagation par analogie avec d'autres phénomènes ondulatoires ou par adoption d'un point de vue particulaire.

Tous ces éléments font de l'enseignement du son un sujet prototypique, voire amplifiant, pour étudier les processus d'enseignement et d'apprentissage de la physique élémentaire. Si nous avons soulevé ici des caractères qui se présentent plutôt comme des difficultés potentielles, il ne faut pas négliger non plus les spécificités du son (parfois les mêmes) qui pourraient contribuer à en faire un sujet peut-être moins difficile que d'autres. Nous reviendrons plus loin sur les liens possibles de cohérence entre concepts scientifiques et concepts quotidiens par exemple. Signalons également que dans le cas du son, l'intuition quotidienne que nous avons mentionnée dans le paragraphe IV.1.1 heurte sans doute moins que dans d'autres domaines les explications scientifiques (nous pensons par exemple à la mécanique). Peut-être parce que le sujet est moins conceptualisé même du point de vue quotidien, il n'est en effet pas évident de trouver l'équivalent pour le domaine sonore de cadres conceptuels spontanés qui font obstacle, dès l'introduction du domaine, à l'apprentissage de la physique parce qu'en contradiction profonde avec les cadres explicatifs que celle-ci propose (cas de l'impétus par exemple en mécanique).

La particularité du domaine sonore étant soulignée, il s'agit alors de se demander quelles sont les voies à explorer et quelle(s) méthodologie(s) de recherche permettent d'y progresser.