V.1.1 Permettre l'explicitation les connaissances initiales des élèves et la prise de conscience de leur évolution

V.1.1.1 Hypothèses théoriques

Dans un cadre constructiviste, nous considérons que l'élève apprend à partir de ce qu'il sait déjà. Lorsqu'un apprenant est amené à décrire ou interpréter une situation du monde réel, il met en oeuvre un certain mode de description avec, sous-jacentes des "théories" ou "conceptions" dont il n'a pas conscience et que la recherche en didactique doit tenter d'analyser (cf. chapitre III). Nous considérons également que ces structures théoriques (qui renferment par exemple les structures causales utilisées par l'apprenant) sont souvent très éloignées de celle que la physique met en oeuvre pour interpréter les mêmes situations. Une analyse du savoir à enseigner est alors symétriquement nécessaire pour pouvoir espérer prendre conscience de ce qui les sépare, établir des voies de passage entre les deux types de structures explicatives ou les rendre coexistants de façon cohérente.

Mieux repérer les connaissances initiales est un objectif classique de la recherche en didactique, qui diffuse encore peu dans le cadre scolaire institutionnel. A partir de l'état actuel de la recherche sur ce sujet, on peut estimer que la prise en compte des conceptions initiales permet la mise en place de deux stratégies importantes d'enseignement :

  • élaborer dans certains cas des situations-problèmes faisant émerger chez l'élève un conflit entre d'une part ses "théories" quotidiennes, ses descriptions, d'autre part ce que le professeur lui donne à voir par construction de situations bien choisies et visant à déstabiliser son point de vue. Dans le cas du son, nous pourrions par exemple citer une expérience qui permet de mettre en évidence le fait que le son se propage plus vite dans un solide que dans un gaz, phénomène qui va à l'encontre de la majorité des prévisions comme nous l'avons vu au chapitre III. Notons à ce stade que l'acoustique élémentaire nous semble un domaine moins propice que d'autres (par exemple la mécanique ou l'électricité) pour la mise en oeuvre de ces conflits socio-cognitifs : les "théories" quotidiennes ne sont pas ici en contradiction flagrante et systématique avec les mécanismes explicatifs fournis par la physique ;

  • repérer les notions fondatrices (Baker et Tiberghien, 1999) sur lesquelles il est possible d'appuyer l'enseignement. Plutôt que de rechercher le conflit, il s'agit ici d'expliciter ce qui constituent les notions ou structures théoriques des apprenants ‘"à partir desquelles sont construites les explications des phénomènes’ " (p. 7) pour résoudre un problème. L'enseignement doit alors pouvoir s'appuyer sur ces notions fondatrices pour permettre la compréhension d'une notion fondamentale de physique. L'explicitation des notions fondatrices nécessite non seulement des investigations classiques au sujet des conceptions mais aussi une analyse importante (et même une désyncrétisation) du savoir disciplinaire permettant de dégager les notions fondamentales pour l'apprentissage du domaine. Par exemple, dans le cas du son, c'est l'analyse du savoir à enseigner qui fait émerger la vibration comme une connaissance fondamentale pour la compréhension du domaine (le physicien l'a lui tellement intégrée qu'il n'en fait plus une notion fondamentale à apprendre). La notion quotidienne de vibration, dont la richesse conceptuelle est bien plus faible que pour la vibration en physique, est bien fondatrice si elle constitue un germe, un point d'appui pour faciliter l'acquisition du concept de vibration en relation avec le son (Baker et Tiberghien, 1999).