V.1.4.1 Première approche de la modélisation
La physique a cette particularité, parmi d'autres sciences, de construire et d'utiliser des modèles. Si nous considérons comme S. Bachelard (1979) que le modèle est un "intermédiaire à qui nous déléguons la fonction de connaissance" et que la physique est la science d'un possible compatible avec les apparences, alors une description minimaliste de l'activité de modélisation consiste à considérer que le monde des objets et des événements peut être interprété (et dans certains cas prédit) par le monde des théories et des modèles, fabriqués par le physicien et regroupant les lois, les principes fondamentaux de la physique (avec le formalisme mathématique inhérent), mais aussi les paradigmes de la communauté (Kuhn, 1983). Dans la typologie des modèles fournie par Walliser (1997), nous laissons ici de côté les modèles physiques (traduisant les phénomènes sous forme de représentations concrètes ou analogiques23) pour ne considérer que les modèles symboliques exprimés dans des langages plus ou moins formalisés allant du langage naturel aux formules mathématiques en passant par les représentations iconiques.
Littéralement, l'acte de modéliser consiste à passer du monde des objets et événements au monde des théories et des modèles. Cependant il paraît illusoire de ne construire un modèle plus ou moins formel qu'à partir de ce qui est donné à voir. Les "théories" naïves, les structures conceptuelles ou causales "quotidiennes", ou encore la connaissance de modèles dans d'autres domaines interviennent dans l'acte de modéliser, aussi bien pour le novice que pour l'expert (avec leurs outils conceptuels respectifs). En conséquence, il nous paraît essentiel de considérer que l'activité de modélisation implique en fait des aller-retours constants entre les deux mondes (figure V.1-1) Ce sont ces aller-retours qui pourront enrichir le modèle par confrontation et nous considérons finalement à la suite de Tiberghien (1994) que toute mise en relation entre différents niveaux de modélisation constitue une activité de modélisation, dont il est possible d'établir une grille d'analyse plus fine (Bécu-Robinault, 1997, pp.79-82).
