V.2.1 Une théorie éloignée de l'acoustique

Nous ne précisons pas le champ théorique sous-jacent en reprenant à notre compte le point de vue de Walliser (1977) qui voit les modèles comme des ‘"médiateurs entre un champ théorique dont [ils sont] une interprétation et un champ empirique dont [ils sont] une synthèse’ " (Walliser, 1977, p.153). Le champ théorique est alors ‘"formé de l'ensemble des modèles théoriques compatibles avec [un modèle donné], en allant jusqu'aux principes logiques qui sous-tendent le modèle"’. Dans le cas du son, nous pouvons alors considérer que ce qui relève de la théorie est proche du paradigme acoustique en physique (physique ondulatoire, point de vue eulérien...) et comporte surtout tous les grands principes de physique qui peuvent être utiles dans le domaine (conservation de l'énergie, interactions fondamentales, lois de la mécanique...). Ainsi, il est extrêmement difficile d'identifier une théorie propre à l'acoustique, des principes d'acoustique comme on peut identifier des principes de physique qui fondent les paradigmes en cours. Même les équations fondamentales de la mécanique des fluides ou des ondes (avec lesquelles, comme nous l'avons vu au chapitre II, le savoir à enseigner a peu à voir) dérivent de principes de physique plus généraux. Ces quelques grands principes de physique qui fondent l'acoustique (loi de la mécanique et de la thermodynamique essentiellement) ne semblent pas envisageables pour un savoir élémentaire à enseigner. Ainsi, pour le savoir à enseigner, nous ne pouvons identifier que des modèles dans lesquels sont contenus les savoirs conceptuels et globalisant.

Ainsi, si nous nous posons la question d'un niveau "supérieur" au modèle, il nous paraît intéressant d'observer le point de vue de Martinand (19XX), qui n'est plus seulement celui du savoir, mais qui cherche à intégrer les éléments théoriques sur la modélisation dans l'enseignement. Il intègre ainsi dans un niveau supérieur des éléments qui ne sont plus seulement des connaissances disciplinaires mais il pose le problème des "enjeux et des formats de la connaissance, c'est-à-dire des formes de rationalité et d'objectivité, des outillages mentaux, graphiques, langagiers, mathématiques ou théoriques pour penser et communiquer". Ce nouveau "registre", que Martinand appelle la "matrice cognitive" inclut les théories mais aussi par exemple les limites et le champ de validité des modèles, les liens réciproques avec les tâches envisageables, les outils graphiques et langagiers et les "paradigmes épistémiques". Il est important de souligner que si ce point de vue est en effet pertinent pour "les niveaux d'enseignement où les modèles ne sont pas sous la "juridiction" de théories formalisées" (Martinand, 19XX, p.10), il ne nous semble pas de même nature que ce que nous avons appelé de notre côté monde des objets et événements et monde des théories et modèles. Il nous semble alors évident qu'en analysant le savoir, en dégageant des modèles et en tentant de les caractériser, nous donnerons des exemples concrets d'éléments de cette matrice cognitive.