VI.1.3 Une prise en compte des connaissances initiales et de l'activité de l'élève

Nous avons exposé au paragraphe V.1.1 les raisons théoriques pour lesquelles il nous paraît essentiel, lors d'un projet d'élaboration de séquence d'enseignement, de repérer les connaissances initiales, la phénoménologie et les "théories" spontanées des élèves concernant le sujet. Nous reprenons bien évidemment à notre compte ces hypothèses issues de la recherche dans le cas du projet SOC. Nous explicitons ici les conséquences concrètes de telles hypothèses, et les contraintes et mécanismes de transfert à des situations réelles scolaires.

Une telle stratégie (issue de la recherche), lorsqu'elle est importée dans le cadre concret d'une classe et d'une progression d'enseignement, subit des contraintes liées par exemple à l'intérêt qu'y trouve l'enseignant et à l'insertion dans la progression. Si l'enseignant choisit par exemple de poser un questionnaire à ses élèves avant d'aborder le thème, il se pose alors le problème du rapport d'un tel questionnaire au savoir à enseigner. L'enseignant peut avoir envie que les questions posées soient le plus possible en résonance avec les contenus à enseigner (i.e. que les savoirs à apprendre puissent permettre de répondre du point de vue de la physique après enseignement) ou que les questions ne paraissent pas trop dures aux élèves (parce que pas assez "cadrées" par exemple).

Un questionnaire fut très tôt élaboré par le sous-groupe pour repérer les connaissances initiales des élèves. Le passage du questionnaire avant le début des séances sur le son imposait la formulation de questions les plus quotidiennes possibles, sans forcément ressembler à des questions "de physique". Cependant, il était fait un effort pour que les situations proposées soient en résonance avec le contenu à enseigner.

D'abord pensé comme un outil pour élaborer les séquences, et en ce sens pratiqué uniquement par les enseignants impliqués dans le projet, ce questionnaire fut finalement, après divers aménagements, proposé au début de la progression et diffusé avec tous les autres documents. D'un outil pour mieux analyser les connaissances des élèves et les confronter au savoir à enseigner, le questionnaire est finalement devenu un élément intégré à l'enseignement, ouvrant et bouclant (souvent) le thème "sons et ultrasons". Nous exposons ci-après les avantages concrets du passage de ce questionnaire, pour le groupe SOC, pour les enseignants adoptant la progression et pour les élèves.

D'abord du point de vue du groupe qui concevait les séquences, le fait que les questions proposées étaient "acceptées" puisque traitées par les élèves a permis très tôt de donner un rôle majeur aux réponses fournies pour amorcer des pistes fructueuses de réflexion pour l'élaboration des séquences.

Ensuite, du point de vue de l'enseignant, concepteur ou "utilisateur" des séquences, ceci lui permet d'avoir une meilleure idée des connaissances initiales de son public sur un sujet considéré comme quotidien et auquel il peut donc poser un certain nombre de questions avant enseignement. De plus, l'enseignant pouvait ainsi revenir sur certaines questions concrètes du questionnaire au fur et à mesure de l'enseignement quand la situation s'y prêtait. Notons que cette façon d'introduire le sujet fut ici très bien acceptée par les enseignants du fait des renseignements extrêmement importants qui en découlaient.

Enfin, du point de vue de l'élève, ce questionnaire est un moyen de susciter sa motivation et de le faire se poser des questions sur le sujet avant de commencer l'enseignement, et ceci sans la peur d'une évaluation notée (le questionnaire n'est bien évidemment pas passé dans un tel esprit). Le questionnaire écrit aura donc un rôle introductif ce qui n'empêche pas les interactions orales introductives avec le professeur. Si la fonction des questions, par rapport à l'élève, était d'abord de susciter l'interrogation et la curiosité, voire la dévolution, l'élève aura aussi, en fin d'enseignement, la possibilité de voir le chemin parcouru sur le sujet (ou d'observer que les savoirs scientifiques rencontrés ne permettent pas d'expliquer tout, ce qui n'est pas négligeable dans un souci d'une présentation objective de la nature de la science). Certains professeurs, pour favoriser cette auto-évaluation des élèves proposaient d'ailleurs le même questionnaire en fin d'enseignement.

De façon générale, c'est le type même de méthode adoptée pour l'élaboration collective des séquences qui a permis de prendre en compte les activités des élèves, tant au niveau pratique que conceptuel. L'observation par les enseignants (mais également par les chercheurs) dès la première année du projet a permis régulièrement des modifications des documents proposés. Les réponses ou raisonnements classiques ou possibles des élèves étaient communiqués dans les documents d'accompagnement lors de la diffusion des séquences auprès des enseignants.

Signalons enfin que c'est pour tenter de s'affranchir de certaines des contraintes de l'enseignement institutionnel et pour aller plus loin dans telle approche que nous avons entrepris le travail de recherche dont la méthodologie et les résultats vont être exposés dans la partie C de ce travail. On peut en effet poser la question plus large du type de situations quotidiennes qui permettent de dégager les interprétations des élèves à partir desquelles il sera possible d'élaborer des stratégies d'enseignement. Pour ce faire, un autre questionnaire (support de notre recherche) a été élaboré et passé dans quelques classes à la place du questionnaire élaboré par le groupe SOC. Ce questionnaire sort un peu du cadre strict du savoir à enseigner de seconde actuelle en prenant en particulier en compte les réflexions du chapitre I pour s'approcher de la phénoménologie du son en présence chez les élèves.