VI.2.2 De nouvelles fonctions pour les TP : un dépassement de l'articulation classique cours / TP

Les séquences de TP élaborées par le groupe SOC visent à favoriser l'activité de modélisation, dont l'apport pour l'apprentissage est une de nos hypothèses majeure. Traditionnellement, les aspects les plus "théoriques" du savoir à enseigner, à savoir les modèles, les concepts fondamentaux de la physique à enseigner, les raisonnements fondamentaux sont présentés en "cours", donc en classe entière, que qui induit le plus souvent une présentation relativement magistrale. C'est parce que l'activité de modélisation implique l'articulation de ces savoirs "théoriques" avec des activités expérimentales que le groupe SOC casse cette logique traditionnelle et choisit d'introduire l'essentiel de ce qui est classiquement appelé "cours" en séance de TP. En effet, ces séances donnent la possibilité d'utiliser, de manipuler des objets ou des appareils techniques, de prendre le temps de regarder, d'entendre, de toucher. En ce sens, ces temps scolaires sont les plus propices à l'articulation entre ce qui relève de l'expérience ou du champ empirique et ce qui relève des concepts de la physique (via des modèles).

Les séances en classes entières constituent alors le plus souvent des moments où l'enseignant institutionnalise ou revient sur ce qui a été fait en demi-groupe. Cette pratique relativement originale a pu déstabiliser certains enseignants (certaines réactions en stage de formation l'ont montré) qui ne retrouvent plus la structure classique d'un cours en classe entière suivi ou introduit par une séance de TP qui n'a qu'un statut secondaire dans la hiérarchie des connaissances à acquérir. Certes, il est possible de trouver des enseignants présentant des corps de savoirs illustrés par des expériences. Ceci donne généralement lieu à un "TP-cours", expression qui emprunte au cours l'aspect important des connaissances qui y sont vues et au TP l'aspect expérimental des activités qui y sont menées.

Les séquences proposées par le groupe SOC se rapprochent donc de ces TP-cours, dans la mesure où toutes les séances proposées en demi-groupe sont l'occasion de présenter des connaissances fondamentales. Cependant, cela ne signifie pas que dans l'esprit du groupe SOC, il y a d'un côté les TP-cours et de l'autre les cours classiques en classe entière. Pour cette raison, nous préférons, plutôt que d'adopter la dénomination dialectique classique cours / TP qui est révélatrice d'activités et de fonctions bien différentes, parler de séances en classe entière et séances en demi-groupe. Ce changement de dénomination est bien plus que sémantique. Il révèle le choix fait par le groupe SOC d'une diversification du rôle attribué aux activités expérimentales dans leur articulation avec des savoirs plus théoriques, et d'un ancrage effectif dans l'expérience. Il induit également de nouvelles pratiques d'enseignement, en particulier pour les enseignants acteurs de cette recherche. Par exemple, l'enseignant rend explicite cette articulation entre savoirs "théoriques" et expériences par les séquences et par les documents distribués à l'élève : à la suite des séances en demi-groupe dont le support est un document faisant office de "texte de TP", il est donné aux élèves un document appelé "cahier de l'élève" présentant les savoirs théoriques construits et utilisés au cours de la séance qui vient de s'écouler. L'enseignant est invité à revenir sur ce cahier de l'élève (qui inclut les modèles) lors de la séance suivante en classe entière.

Pour rythmer la progression et classer les séquences, celles-ci seront néanmoins appelées TP (ce sont bien des travaux pratiques au sens où la pratique y occupe une place centrale) lors de leur diffusion.

Signalons enfin que, en échos aux réflexions du paragraphe V.1.2 au sujet de l'activités de (co)construction et de formulation des connaissances par les élèves, cette méthode implique des comportements moins "directifs" de l'enseignant pendant les séances en demi-groupe. On se retrouve ainsi dans un fonctionnement du système didactique proche de ce que Tsoupelis (1993) cité par M. Méheut (1998) appelle un état co-didactique, où ‘"le professeur fait partie du milieu de l'élève et lui offre certains guidage en intervenant le moins possible par rapport aux connaissances visées".’ Ou pour reprendre la catégorisation de Dumas-Carré et Weil-Barais (1998), le professeur assure plutôt un rôle de tutelle en séance de TP (organisation des tâches et guidage éventuel dans la résolution) et un rôle de médiation (négociation des significations et gestion des contradictions) en fin de résolution ou dans la séance en classe entière suivante.