Chapitre VII Investigation sur les systèmes explicatifs : méthodologie

VII.1 Une nouvelle approche

VII.1.1 Dégager les caractéristiques des cadres explicatifs

En accord avec ce que nous avons annoncé à la fin du chapitre III, nous faisons ici le choix d'étudier les systèmes explicatifs des élèves lorsque ceux-ci sont amenés à décrire et/ou expliquer des situations sonores quotidiennes variées. Rappelons que nous appelons système explicatif toute structure conceptuelle qui peut être mise en évidence grâce à la production, par les individus, d'invariants dans la description et/ou l'explication qu'ils font des objets et des événements. Ces systèmes explicatifs peuvent prendre la forme des théories naïves de Carey, des p-prims de diSessa, ou encore des specific theories ou des mental models de Vosniadou (cf. chapitre III).

Bien évidemment, nous ne pouvons espérer mettre en évidence que des éléments partiels de ces systèmes explicatifs dont la complexité est probablement très grande. Pour décrire la façon dont nous pouvons tenter de reconstruire les systèmes explicatifs, nous empruntons à Vergnaud (1990), qui l'a lui-même repris de Piaget, le concept de schème 26, en le contextualisant quelque peu. La question est finalement de savoir si l'on peut repérer des invariants du raisonnement conceptuel (les schèmes) mis en jeu pour une classe de situations données à interpréter ? Ce sont ces invariants qui sont constitutifs des systèmes explicatifs. Ce sont bien également ces invariants que recherchent tous les auteurs mentionnés dans le chapitre III. Nous reprenons ici, pour justifier cette stratégie, les propos de Vergnaud (1990), même s'ils prennent place dans le contexte de l'apprentissage des mathématiques et avec un sens donné à la situation un peu plus large que celui que nous lui attribuons (dans notre cas, la situation est essentiellement constituée par les modalités d'interrogation de l'élève et le sujet de la question à laquelle il faut répondre) :

‘"Il est fécond et légitime de rechercher les parentés et les ruptures à l'intérieur d'un ensemble de situations organisé par les idées elles-mêmes parentes, dans lesquelles les procédures, les représentations et les formulations puissent raisonnablement dériver les unes des autres. Un concept ne prend pas sa signification dans une seule classe de situation, et une situation ne s'analyse pas à l'aide d'un seul concept. Il faut donc se donner comme objets de recherche des ensembles relativement larges de situations et de concepts, en classant les types de relations, les classes de problèmes, les schèmes de traitement, les représentations langagières et symboliques, et les concepts mathématiques qui organisent cet ensemble" (Vergnaud, 1990, p.167).’

Ces invariants ne peuvent être identifiés qu'à partir de l'analyse des productions des individus (quelle que soit leur forme), lorsqu'ils sont invités à décrire et/ou expliquer des situations variées. Il nous paraît donc important de proposer pour ceci un ensemble assez large et varié de situations.

La figure VII.1-1permet de schématiser le processus méthodologique qui permet d'obtenir des informations sur certains éléments des systèmes explicatifs.

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figure VII.1-1 : processus méthodologique permettant d'obtenir des informations sur les systèmes explicatifs par repérage des invariants de raisonnement

En vue de mettre en oeuvre ce processus, nous proposons de soumettre à la description et l'interprétation des élèves des situations simples et quotidiennes, dont les éléments de réponses ne sont pas forcément contenus dans le savoir à enseigner. Nous ne questionnons pas les connaissances spontanées des élèves en physique mais au sujet de leur perception des phénomènes de la vie quotidienne. De plus, les productions des élèves ne seront pas analysés systématiquement à l'aide de concepts scientifiques (qui ont de fortes chances de ne pas exister en tant que tels dans les structures conceptuelles des élèves avant enseignement) mais plus souvent à l'aide d'outils issus d'une analyse phénoménologique du son.

Notes
26.

Vergnaud (1990) définit le "schème" comme "l'organisation invariante de la conduite pour une classe de situations données" (p. 136).