VII.1.3 Comment étudier les phénoménologies spontanées ?

Nous avons décrit au chapitre I (§I.2.1) ce que nous entendions par phénoménologie. Nous avons fait le choix de considérer qu'il pouvait y avoir description phénoménologique même lorsque celle-ci met en oeuvre des concepts qui peuvent paraître théoriques. Ce sera par exemple le cas du physicien qui a l'impression de décrire un phénomène même s'il utilise les concepts que la physique met à sa disposition et qu'il maîtrise. Pour un élève avant apprentissage, les concepts en jeu seront probablement moins théoriques mais seront inévitablement issus de la représentation qu'il se fait de la situation, de son passé...

Il y a donc possibilité d'une analyse phénoménologique de toute description et de toute explication produites par les élèves au sujet d'un événement ou d'une situation. Le fait que l'élève fournisse une description de la situation alors qu'il est demandé une interprétation (ou une explication) est déjà un début d'indice de sa phénoménologie. Mais une phénoménologie ne prend réellement sens que lorsqu'il y a existence de phénomènes pour l'élève. Il faut donc, pour pouvoir effectivement parler de phénoménologie être capable de repérer si l'élève accepte d'analyser, de redécrire la situation ou l'événement proposé. Si par contre, pour certaines situations, il n'y a que des descriptions paraphrasées ou que des explications d'ordre mystiques ou magiques, alors il sera difficile d'obtenir des indices phénoménologiques à partir de cette situation.

Le physicien peut lui aussi posséder une phénoménologie de la description et de l'explication. Au sens du physicien, le phénomène est cependant quelque peu différent de ce que à quoi le même terme renvoie dans le langage courant. S'il peut y avoir une relative similitude entre événement et phénomène dans le langage courant, pour le physicien, en revanche, le phénomène participe déjà d'une unification des descriptions ou des interprétations. Ainsi, le phénomène de propagation permet de décrire et d'interpréter la propagation d'ondes de natures différentes. Le phénomène prend sens, dans ces conditions, dans sa capacité à décrire ou interpréter une classe d'événements (pensons par exemple aussi au phénomène de frottement en physique).

En gardant à l'idée cette distinction entre le physicien et l'élève, nous considérerons pour notre analyse qu'il est possible d'étudier la (ou les) phénoménologie(s) de l'élève grâce à ses productions descriptives ou explicatives en référence à des événements (la notion de phénomène au sens de la physique ne peut émerger de façon consciente que dans un second temps, une fois que des "dénominateurs communs" ou des invariants sont trouvés entre différents événements).

Finalement, nous nous demandons ici quels éléments de phénoménologie (dont il n'a pas forcément conscience) l'élève met en oeuvre dans des situations de description et d'interprétation du champ empirique sonore ? Y a-t-il des conceptualisations, plus ou moins théoriques, qui émergent au travers de différentes situations proposées.