VIII.1.6.3 Résultats essentiels

• Une question délicate
  La question semble déstabiliser les élèves dans la mesure où 21% ne donnent pas de réponses (dont 17,5% qui affirment ne pas savoir). Ce résultat peut paraître relativement surprenant pour une question qui concerne pourtant la relation entre le son et notre perception. Cela tend en fait à indiquer que pour un bon nombre d'élèves, c'est la première fois que la question se pose. Ou alors certains de ces élèves sont déstabilisés par la question au point de chercher un éventuel piège. Ce résultat peut être vu comme un indice du fait que les élèves n'ont pas l'habitude de se poser des questions sur le son.
  Cette proportion est diminuée de moitié après enseignement.

• Un rôle déterminant attribué à l'oreille
  Plus surprenant encore peut paraître la proportion de réponses affirmant que le son n'existe que dans l'oreille. Ils sont 31% à le penser avant enseignement, 27% après. On voit donc la solidité de ce point de vue sur lequel l'enseignement n'a que peu d'effet. Tout ce passe pour cette catégorie comme si le savoir à enseigner avait permis de travailler sur un objet qui n'est pas le son, ce terme restant réservé à la désignation de nos sensations. Cette proportion assez importante tendrait donc à illustrer à quel point la tâche de l'enseignement consistant à étudier le son comme objet physique hors de l'oreille n'est pas a priori aisée. Ceci va nécessiter un réel effort à ne pas négliger.
  Il faut relativiser la caractère "résistant" de ce point de vue dans la mesure où une étude plus attentive des évolutions individuelles des opinions montre qu'à peine la moitié des élèves affirmant l'existence dans l'oreille seule continuent à le faire après enseignement (36 sur 76). Dans le même temps, 35% de ces élèves ont changé d'avis et affirment après enseignement que le son existe même s'il n'y a pas d'élèves. Il reste ensuite à savoir si c'est le savoir à enseigner qui contribue à faire passer 13 élèves de "le son existe même s'il n'y a pas d'oreille" à "le son n'existe que dans l'oreille". Le tableau VIII.1-4 ci-dessous détaille cette analyse en croisant les réponses avant et après enseignement.

Remarque sur les justifications

Même si les justifications demandées dépendent énormément de l'item choisi, les réponses ont été codées avec la même grille. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner de voir certains arguments utilisés uniquement par des élèves ayant coché une case donnée. Ainsi, les explications du type "si pas d'oreille alors pas de son", "le son n'existe que parce qu'on l'entend", "le son est fait pour être entendu" ou encore "seule l'oreille, le tympan sont capables de capter, de déchiffrer" (codes 11 et 12) sont quasi exclusivement mentionnées par les élèves ayant coché la case "ca n'existe que dans l'oreille".

• Une baisse notable de l'importance donnée à l'oreille
  Avant enseignement, les explications qui invoquent la nécessité de l'oreille (et/ou du cerveau) ou la nécessité d'entendre pour qu'un son existe (codes 11, 12 et 13), recouvrent quasiment toutes les explications données par les élèves ayant coché "ça n'existe que dans l'oreille" (95% des explications avant, 78% après, les autres élèves ayant coché cette case ne donnant généralement pas de justification). Sur le total des justifications, l'importance de ce point de vue diminue fortement entre les deux passages (de 37% à 23% des justifications). La moitié de ces élèves restent dans ce cadre conceptuel 1 après enseignement, les autres migrant vers d'autres types d'explications, en particulier 18% (11 élèves sur les 60 ayant répondu de cette façon avant) répondent après enseignement en invoquant l'existence ou la propagation du son dans un milieu (codes 21 et 22). Par contre très peu invoquent après enseignement un récepteur d'un autre type que l'oreille (code 14). Ainsi, pour résumer et simplifier, soit ces élèves continuent à attribuer une importance primordiale à l'oreille (cadre conceptuel 1), soit ils invoquent après enseignement le milieu de propagation (cadre conceptuel 2).

• Une augmentation importante de l'évocation du milieu
  La prise en compte du milieu et le recours à celui-ci devient important après enseignement. Cette justification n'est évidemment citée que par ceux qui ont affirmé que le son peut exister même s'il n'y a pas d'oreille (et quelques-uns qui ont coché "autre"). Cet argument passe de 8% des justifications à 23% après enseignement. Cette réponse peut être qualifiée de scolaire dans la mesure où l'on peut raisonnablement l'attribuer à l'importance donnée par l'enseignement au milieu de propagation (dont l'effet est mesurable pour d'autres questions, C, E et N en particulier). Elle ne s'appuie pas explicitement sur des faits expérimentaux mais c'est bien plutôt un savoir scolaire qui est produit sans davantage de précision, comme si le fait d'avoir été appris en classe était suffisant pour être cité sans faire appel à une situation donnée. Ce type de réponse (et son évolution) est d'ailleurs à rapprocher de ce qui est mentionné dans les analyses des questions E ("Si un son est émis plus fort est-ce qu'il va plus vite ?") et N ("Donnez une condition obligatoire pour faire un son"). Notons là encore qu'il y a peu de constance individuelle sur ce type de réponse. Seuls 5 des 15 élèves ayant mentionné le milieu avant, continuent de le faire après.

• Une légère diminution globale du paradigme réceptif (qui reste fort)
  On a déjà évoqué les réponses invoquant l'oreille ou la perception humaine. La décroissance importante de ces réponses cache en fait une diminution moins nette de toutes les réponses en termes de récepteurs sonores (y compris l'oreille donc). Si l'on regroupe toutes ses réponses (évocation de l'oreille donc, mais aussi d'autres récepteurs que l'oreille, ou de l'existence de sons non audibles par l'être humain) on passe de 45% à 39%. En fait, de tous ces types de réponses, l'un d'entre eux augmente de façon importante : l'existence d'autres récepteurs que l'oreille, que ce soit le microphone ou des animaux. Cette réponse est citée 5 fois avant (dont un redoublant), 21 fois après. Par contre la mention de l'existence de sons non-audibles n'évolue pas de façon significative (reste autour de 5%). Le faible pourcentage de cette catégorie peut sembler surprenant, surtout après enseignement, dans la mesure où les ultrasons ont été largement évoqués. Les justifications procèdent donc moins par contre-exemples "concrets" que par l'exposé d'un savoir de type scolaire (existence dans le milieu par exemple).

• Le son peu décrit en tant que phénomène physique
  Les réponses invoquant le son comme un phénomène physique ou un objet de la physique sont assez peu nombreuses avant enseignement et le sont encore moins après (codes 251, 252, 253 et 26). Les vibrations, les ondes ou autres phénomènes existant tous en dehors de l'oreille ne sont quasiment pas cités (10% avant, 5% après).

• Un appel aux autres sens inhibé
  L'appel au toucher (ou à la co-vibration qui nous fait sentir les vibrations) ainsi qu'à la vue, en proportion moins importante, concernent environ 9% des justifications avant enseignement, mais seulement 3% après. On voit à quel point le contexte de demande d'une réponse "scientifique" tend à faire disparaître ce type d'argument, dont l'importance a largement été discutée dans le premier chapitre de ce travail. Ceci peut être mis en relation avec le fait que le savoir à enseigner et les activités expérimentales traditionnellement proposées en cours exploitent assez peu ces façons de "sentir" la présence d'un son ou les phénomènes qui y sont associés. Nous avons vu que le groupe SOC proposait en revanche de telles activités (partie B).
  Enfin, l'appel à des sons existant au niveau de la source (codes 31 et 32) est relativement peu courant et stable (7% avant, 6% après). Ceci confirme que le cadre conceptuel 3 n'est ici que très peu utilisé.