VIII.1.7.4 Résultats essentiels

Il est remarquable de voir (diagramme VIII.1-20) que, avant enseignement, des quatre explications ci-dessus, a) est l'explication la plus fréquemment citée pour les cailloux et la brosse alors que c'est b) pour les deux situations instrumentales (dans des proportions bien supérieures, rappelons-le). Ceci confirme qu'il est plus facile d'imaginer un objet en vibration dans le cas des deux instruments de musique alors que dans les deux autres cas, la ou les vibrations sont difficilement attribuées à l'objet ou localisées sur l'objet.
Remarquons de plus que, pour les instruments de musique, c'est l'explication concernant la vibration de tout ou partie de la source qui progresse le plus au cours de l'apprentissage, alors que la résonance de ou dans la caisse de résonance devient moins citée, signe que l'enseignement ne traite pas de ce type de phénomènes, pourtant connu (en partie) du sens commun.

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diagrammes VIII.1-20 : question I, évolution des modes d'implication du concept de vibration
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diagramme VIII.1-21 : question I, évolution des réponses en termes d'actions

Les pourcentages atteints sont moins importants que pour les réponses en termes de "vibration(s)" mais sont néanmoins conséquents pour les deux premières situations (presque 40%). Ce point de vue est également largement cité pour le violon. Il apparaît ainsi comme un recours facile face à des situations qui paraissent difficiles à expliquer par des registres de savoirs plus conceptuels.
Ce point de vue est assez résistant à l'enseignement dans la mesure où l'on constate peu d'évolution (en particulier pour les deux instruments de musique).
Nous pouvons tenter d'expliquer le fort taux de réponses de ce type pour les deux premières situations par la proximité de l'action cause avec ce que Chion (1998) appelle un schème sonore, tel le schème sonore du frottement :

‘"lorsqu'on reconnaît une certaine forme sonore spécifique qui se trouve être associée à une certaine forme de causalité, on peut dire qu'on est au niveau du son, plus au niveau de la cause. Un certain type d'activité causale produit un certain type de son, et ce dernier devient un schème sonore caractéristique, détaché de la cause. Ainsi le modèle du flux et reflux sonore nous est donné évidemment par la nature [...]. Ce schème devient un schème sonore prégnant, assimilé, qui existe indépendamment de l'évocation qu'il suscite. Quoi que ce soit qui frotte, on a le schème sonore du frottement : va et vient, irrégularités, présence d'indices sonores matérialisants, grain" (Chion, 1998, p.308). ’

Chion conclut alors que des termes tels que choc ou frottement ont leur place dans "l'inventaire" des descripteurs sonores. Certes il n'y a pas reconnaissance d'un schème par écoute "d'un frottement" mais l'action de frotter peut permettre à l'élève de reconstituer, ou en tous les cas d'associer à cette action, un certains nombre de traits caractéristiques du schème. La cause de ce type de schème est alors l'action de frotter. Ainsi, ces réponses de type tautologique peuvent être le résultat d'un passage par l'imagination du son produit qui est expliqué par l'action qui le créerait. De plus, là encore, la familiarité avec ces schèmes sonores permet d'envisager ces événements comme des faits bruts qui ne nécessitent pas d'autre explication que l'action menée, vue quasiment elle-même comme une description du son.

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diagramme VIII.1-22 : question I, évolution des réponses en termes de propriétés de l'objet ou de la matière

Nous constatons que c'est la situation de la brosse qui suscite le moins ce genre d'arguments puisque le pourcentage est pour cette situation extrêmement faible avant et nul après enseignement. Par contre, les élèves invoquent plus souvent une propriété des cailloux (généralement dur ou solide dans 11 cas sur 17 avant). Le relativement fort pourcentage pour la guitare et le violon s'explique par la nature bien particulière de ces objets : en effet, deux caractéristiques sont essentiellement citées : la présence d'une caisse de résonance (8 réponses sur 22 pour la guitare avant, 6 sur 12 pour le violon) et le fait que la corde soit tendue (11 réponses sur 22 pour la guitare avant, 4 sur 12 pour le violon). Ces deux paramètres sont même les deux seuls cités après enseignement. Nous voyons donc ici un effet fort de la fonction des instruments et de la connaissance que les élèves en ont au sujet du mécanisme d'émission.
Toutes ces réponses voient leur fréquence décroître après enseignement, ce qui va dans le sens d'un recours légèrement plus important à des conceptualisations et des modèles explicatifs généraux.