VIII.2.3 Écarts par rapport aux cadres conceptuels

A part une importance inattendue (par rapport aux cadres conceptuels induits a priori) de la facette perceptive du son (CC1), nous avons constaté relativement peu d'écart, avant enseignement, par rapport aux cadres conceptuels induits.

Cette importance donnée à l'aspect perceptif du son est en particulier appréciable dans les résultats de la question G (lieu du son) : avant enseignement, un son n'existe que dans l'oreille pour environ un tiers des élèves. Cette prégnance de la perception est également apparue dans les réponses à la question D (concert) et à la question C, qui s'intéresse pourtant au déplacement du son. Nous voyons là la tâche qui attend l'enseignement de la physique pour faire coexister ce point de vue de départ avec d'autres points de vue qui se concrétiseront dans les facettes "physiques" du son.

Après enseignement, les changements de cadre conceptuel sur une question donnée sont assez peu fréquents à une exception près, sur laquelle nous reviendrons d'ailleurs plus tard : l'importance donné au milieu de propagation comme support du son dans des situations où le cadre conceptuel n°2 n'était a priori pas attendu (et peu présent avant enseignement) ; c'est le cas de la question G (lieu du son), de la question I et de la question N (condition obligatoire). Il est indéniable que ce résultat est la trace chez les élèves de l'importance du milieu de propagation pour le savoir à enseigner. Ceci est d'autant plus marquant qu'avant enseignement les élèves négligeaient quasi complètement le milieu de propagation pour ces questions.

Ce cadre conceptuel n°2 est cependant utilisé avant enseignement également. Certaines situations invitent en effet à considérer et/ou décrire le déplacement du son. Nous retrouvons alors certaines l'expression de certaines idées cohérentes avec des attributs matériels et substantiels qu'auraient le son et qui ont été mis en évidence par d'autres études (cf. chapitre III) : c'est le cas dans les réponses à la question F (le mur), ou même à la question I puisqu'il est assez souvent mentionné, dans le cas de la guitare, que le son fait résonner ou vibrer la caisse de résonance. Nous ne disons pas ici que cette substantialité est forcément mise en évidence par les réponses à ces questions. Nous remarquons cependant que certains attributs attribués au son par les élèves sont cohérents avec cette vision des choses, cette cohérence pouvant d'ailleurs n'avoir qu'une origine lexicale ou métaphorique : le mur est un obstacle, le son rebondit, le son fait bouger, le son traverse, le son est ralenti...

Le fait que le son soit créé par un objet ou par une action donnée ne semble pas poser de problèmes à ce niveau, y compris avant enseignement. Les élèves semblent tout à fait accepter qu'une fois créé, le son se déplace hors des objets qui lui ont donné naissance (nous voulons pour preuve les résultats à la question E en particulier).

Enfin, il est intéressant de constater que, avant enseignement, le milieu (et le son dans le milieu) n'est considéré que lorsque les autres éléments de la situation ne sont pas jugés pertinents ou adéquats pour expliquer la situation ou les modifications décrites. C'est exactement le critère qui est donné par Casati et Dokic (1994) pour que le milieu cesse d'être transparent (cf. chapitre I) : c'est le cas par exemple de la situation de la question F (mur qui doit forcément être pris en compte) ou des situations où la variation de perception a une cause forcément spatiale (question B et D). Par contre, dans des situations où le choix est laissé (milieu ou objet-événement cause) pour interpréter des variations perceptives, le milieu est délaissé : c'est ce que montrent les réponses avant enseignement à la question S, puisque le milieu est invoqué par seulement 20% des élèves pour interpréter le caractère plus aigu du son.