IX.3 Méthodologie

IX.3.1Quelques réflexions au sujet du domaine sonore et choix des termes étudiés

Chion (1998) signale l'extrême richesse de la langue française pour décrire les sons perçus. Les mécanismes qui conduisent à l'utilisation dans le domaine sonore sont variés : nominalisation (bourdonnement, crépitement...), métaphore spatiale (son descendant, son qui prend du volume...), métaphore visuelle (son coloré, son clair...), métaphore animiste (son vif...) ou matérielle (son lisse, râpeux...) sont quelques exemples, sans même parler de l'utilisation du lexique émotionnel. Nous voyons là également comment ces constructions linguistiques peuvent induire des points de vue variés sur la nature des sons.

Cette diversité est totalement "bridée" par la description scientifique des perceptions perçues et des phénomènes sonores en général. Le vocabulaire normalisé de la physique à ce sujet est la marque de sa spécialisation.

Il convient dans notre cas, et pour tenter de donner quelques éléments de réponses aux problèmes soulevés dans le paragraphe IX.1, de justifier le choix des termes que nous avons choisi d'étudier.

Le terme son s'est imposé, dans l'articulation avec les investigations menées sur la nature du son pour les élèves. Nous l'avons préféré à bruit, fortement associé à son comme on l'a vu, d'une part parce que c'est le terme utilisé par le savoir à enseigner, d'autre part le terme bruit, d'usage plus courant, est très connoté négativement. L'entrée bruit du dictionnaire des synonymes Larousse39 permet en effet de mesure l'aspect gênant, discordant et désagréable du bruit.

Il s'agissait alors de repérer les traits sémantiques associés au terme son en demandant aux élèves de juger de la véracité de certains usages attribuant telle ou telle propriété au son40.

Il nous a paru également intéressant d'étudier des termes correspondant à des concepts dans le savoir à enseigner. Nous avons alors choisi des termes essentiels à ce savoir mais possédant également une polysémie forte. Les termes choisis devaient être connus des élèves (donc être d'un usage a priori courant). L'appartenance à d'autres domaines scientifiques a renforcé l'intérêt porté à certains de ces termes. Les mots appartenant à ces catégories sont : intensité, vibration (et verbe associé), fréquence, propagation (et verbe pronominal dérivé).

La confusion constatée très tôt dans l'usage des termes aigu et grave nous a amené à les étudier également. Même si les autres sens auxquels ils donnent lieu sont très éloignés du domaine sonore, il est a priori possible d'envisager des interférences avec l'usage sonore. De même le concept de volume, très polysémique, bien plus utilisé dans le domaine sonore quotidien que ne le fait la physique, nous a paru intéressant.

Les verbes émettre et recevoir ont des contextes d'usage très variés et ont une importance toute particulière pour le savoir à enseigner, et en particulier dès l'instant où la chaîne sonore est utilisée.

Enfin, le terme résonner a été choisi parce qu'il semble avoir une importance dans l'usage courant relatif au son, que ne lui accorde pas le savoir à enseigner (cf. en particulier les travaux de Mazens au chapitre III).

Nous avons bien conscience du caractère quelque peu subjectif du choix de ces termes, inhérent à la conception d'un questionnaire qui ne devait pas être trop long. D'autres termes auraient répondu à ces critères (nous pensons par exemple à amplitude, hauteur, onde en particulier).

Cependant, il est remarquable de constater (diagramme IX.2-2.) que, si l'on excepte onde, amplitude, et les termes désignants des objets, les termes choisis a priori sont ceux dont on constate une évolution forte de l'association après enseignement (seuls aigu, grave et volume dérogent à la règle).

Ceci apparaît donc comme une confirmation a posteriori de la pertinence de nos choix.

Notes
39.

Les synonymes cités sont les suivants : battement, bourdonnement, frémissement, froufrou, fracas, retentissement, ronron, rumeur, vacarme, cri, criard, bousin, boucan, brouhaha, bruissement, cacophonie, chahut, chambard, charivari, clabauderie, clameur, hurlement, murmure, plainte, tapage, tintamarre, tumulte ("Nouveau dictionnaire des synonymes", Larousse, Paris, 1977).

40.

Nous n'étudierons pas les formes lexicales dans lesquelles le son peut être impliqué et le sens qui peut être attribué à une même tournure. Ceci nécessiterait cependant une étude spécifique. Par exemple l'expression "le son monte" peut recouvrir trois significations distinctes : la hauteur augmente, le niveau sonore augmente, le son monte spatialement (dans un immeuble par exemple).