X.4 Hypothèses sur les représentations sémiotiques

X.4.1 Hypothèses

Il est bien évident que les "manipulations" des concepts permises par simulaSON, les appariements entre éléments du monde de la simulation et objets réels nécessitent la désignation (et par seulement grâce au langage naturel) des objets (simulés ou non) et des concepts. Se pose alors la question de la représentation des objets et des concepts en jeu, qui est une tâche décisive dans la modélisation (Martinand, 19XX).

Si la représentation figurale ou schématique peut désigner des objets impliqués dans une expérience, le problème est plus délicat lorsqu'il s'agit de donner du sens à des concepts ou phénomènes via des représentations. Si, comme Duval, ‘"on définit généralement la représentation de la même manière que l'on définit le signe linguistique, c'est-à-dire comme une relation entre quelque chose (forme, trace, objet...) visuellement ou auditivement appréhendé et l'évocation d'autre chose qui est absent ou dont la représentation est simplement "mentale"’ " (Duval, 1995, p. 62), alors les sons perçus permettent la représentation, par association avec une image mentale (qui peut être visuelle) ou une sensation.

Dans les choix à effectuer quant aux activités cognitives induites par l’utilisation de simulaSON, nous devons alors prendre en compte quelques hypothèses au sujet des représentations externes et issues de travaux portant spécifiquement sur le sujet (Ainsworth et al., 1996 ; Duval, 1995) :

  • Un même concept pourra être représenté de manières différentes, chaque représentation apportant une information spécifique à son sujet (voir dans notre cas les tableaux X.4-2 et X.4-3 dans le paragraphe suivant). C'est la compréhension de l'ensemble des représentations qui permet de donner du sens au concept.

  • Nous considérons à la suite de Duval (1995) que ‘"l'activité conceptuelle implique la coordination des registres sémiotiques", ’en particulier des différents types de représentations. Il faut également ‘"être parvenu au stade de la coordination de représentations sémiotiquement hétérogènes" pour pouvoir "discriminer le représentant et le représenté, ou la représentation et le contenu conceptuel que cette représentation exprime, instancie ou illustre’ ". Ce que Duval appelle le degré de liberté des représentations sémiotiques, à savoir le fait qu’elles ‘"peuvent être appréhendées soit uniquement sous l’aspect du représentant, soit uniquement sous celui de ce qu’il représente", semble "essentiel pour qu'il y ait compréhension conceptuelle ou possibilité d'un traitement formel des représentations sémiotiques d'un objet"’ (Duval, 1995, p.68). Toute représentation devra être présentée comme une représentation exprimant des concepts (ou certaines facettes de ces concepts).

  • A condition que la signification de chaque représentation soit bien repérée, le passage d'une représentation à une autre permet alors de construire du sens et doit donc être favorisé pour pouvoir atteindre la coordination mentionnée ci-dessus et l’objectivation des représentations. Se contenter de proposer des représentations multiples sans mener d'activité visant à établir des liens entre ces représentations pourraient être dangereux. Nous reprenons là encore à notre compte une hypothèse de Duval (1995) : ‘"Le changement de registre constitue une variable cognitive qui se révèle fondamentale en didactique : elle facilite considérablement l'apprentissage ou elle offre des procédures d'interprétation"’ (p. 59). ‘"Un sujet chez lequel la coordination des registres s’est trouvée suffisamment développée peut très bien s’en tenir aux représentations d’un seul registre. De son point de vue la relation directe entre représentant et représenté est suffisante"’ (p. 69). Par contre, dans une phase d’apprentissage, la relation entre représentant et représenté peut nécessiter la relation entre le concept ou objet cognitif visé et la relation de convertibilité entre deux représentants. Nous avons donc veillé à bien délimiter les représentations et à contraindre les liens qui peuvent exister entre elles. Ainsi, certaines tâches (celles que nous avons dénommées "sémiotiques") ont pour objectif d'assurer la compréhension des liens entre deux représentations données.

  • Enfin, étudions le cas (courant dans des situations d’apprentissage en physique) où l’on n’a pas d’accès direct perceptif aux objets en jeu. Comme le dit Duval, ‘"faire effectuer cette discrimination [entre représentant et représenté] semble très facile lorsque le représenté est un objet qui peut être montré en dehors de toute représentation, comme c'est le cas pour ce qui révèle d'une expérience perceptive dans laquelle l'objet peut être vu, montré du doigt, touché et manipulé. Mais la situation change lorsqu'il n'y a pas d'accès intuitif direct à l'objet lui-même. Comment alors favoriser cette différenciation et faire ainsi accéder à ce degré de liberté vis-à-vis de représentations sémiotiques ?’ " (pp. 68-69). Pour les deux fenêtres qui utilisent des figures, ou tout au moins des représentations analogiques (Vibratoire et Microscopique), il semble bien que, sans rendre les objets réels, elles tendent à donner une existence concrète à ces objets : un trait fictif et mobile représente la surface vibrante de la source, des points noirs en mouvement représentent les constituants du milieu, un "tuyau sonore" est figuré. D'autre part, les actions sur ces objets sont aussi celles qu'on pourrait imaginer faire sur des objets réels : les stopper (prendre une photo), les designer, voire les colorier. Ces représentants d’objets réels sont donc probablement plus proches de maquettes que de représentations sémiotiques puisque le représentant et le représenté ont des caractéristiques phénoménologiques fondamentales très proches. Comme l’indique Duval (p.66), le mode particulier de traitement de la maquette est la simulation. Nous estimons que la simulation peut ensuite permettre l’objectivation.