X.7 Analyse critique

X.7.1 Du point de vue de la physique et du domaine de fonctionnement

Les simulations proposées dans simulaSON ne sont que des moyens de faire vivre des modèles qui, comme tous les modèles, ont un domaine de validité limité puisqu'ils sont des moyens forcément imparfaits de rendre compte de la réalité des phénomènes. Le savoir savant lui-même utilise des modèles qui ne dérogent pas à cette règle. Les restrictions sont encore plus fortes ici puisque les modèles utilisés s'écartent assez nettement des modèles du savoir savant. Les raisons ont largement été exposées dans l'ensemble de notre travail. Le développement d'une simulation implique des contraintes supplémentaires, techniques d'une part (calculs, rapidité du système...), liées à la représentation animée d'autres part (taille des particules, effet d'agitation...). Nous revenons ici sur ces écarts et sur les critiques que nous pouvons faire par rapport au savoir de la physique reconnu comme tel à ce sujet. Ces remarques concernent essentiellement le modèle microscopique.

Le premier problème qui se pose est celui des échelles. Les ordres de grandeurs réels de l'amplitude de déplacement des particules, de la distance interparticulaire, du libre parcours moyen mais aussi de la longueur d'onde n'ont pas été précisés. L'acoustique pose à ce sujet des problèmes considérables puisque les amplitudes microscopiques varient, entre le seuil d'audibilité et le seuil de douleur, dans un rapport de 1 à 1012. Il devenait impossible de rendre compte de ces variations avec une simulation basée sur l'image, à moins d'opérer de fréquents changements d'échelle qui nous paraissent nuire à la compréhension du phénomène en ajoutant de la complexité à la compréhension de la simulation. De plus, le respect de ces rapports d'ordre de grandeur n'aurait pas pu être corrélés avec la perception du niveau sonore (qui dépend inévitablement des circonstances dans lesquelles simulaSON est utilisé). Nous avons donc choisi de ne pas préciser l'échelle et de faire un lien purement qualitatif entre amplitude et niveau acoustique. Cependant, si le logiciel est intégré à une progression, les ordres de grandeurs réels des particules et des différentes représentations de la simulation doivent être donnés : cela fait partie du soin particulier à apporter aux phases de passage entre monde de la simulation et monde réel.

Nous avons cependant fait en sorte que la longueur d'onde soit effectivement bien supérieure au libre parcours moyen (même s'il est difficile de parler ici de libre parcours moyen vu le principe de la simulation). Disons que la longueur d'onde est grande devant la distance interparticulaire. La simulation permet d'ailleurs de constater que si la fréquence augmente, les échanges thermiques (tout en restant négligeables) sont favorisés car les zones comprimées sont plus proches des zones dilatées. Le logiciel permet donc, à des niveaux universitaires de discuter l'hypothèse d'adiabaticité. Signalons également que la simulation respecte les rapports entre évolution du champ de vitesse et évolution du champ de surpression (en phase), ce qui peut également être exploité dans les études supérieures.

Par contre, pour des raisons de visualisation simultanée de l'amplitude et de la longueur d'onde, l'amplitude ne peut pas être, comme dans le modèle du physicien, très inférieure à la longueur d'onde. Les perturbations ne sont pas des "petites" perturbations. L'hypothèse acoustique est donc loin d'être respectée.

La simulation qui est faite d'un fluide est également extrêmement simplifiée. Il était illusoire de respecter plus scrupuleusement le mouvement désordonné des particules. En effet, les modifications de trajectoires causées par l'onde sonore sont infimes par rapport au déplacement "normal" de ces particules et donc l'effet de l'onde ne serait dans ces conditions pas observables. Nous avons donc choisi de simuler des particules globalement à la même place pour permettre de visualiser clairement l'influence de la vibration sur le milieu. Cependant pour donner une idée de l'agitation permanente des particules nous leur avons donné ce mouvement autour de leur position moyenne52.

En ce sens, le milieu simulé est plus proche du liquide que du gaz. Les particules représentées sont une entité hybride entre le concept de "particule fluide" utilisé en mécanique des fluides et la particule de gaz ou de liquide (au sens de constituant élémentaire).

Finalement, nous avons fait le choix d'éliminer, dans la représentation des phénomènes, certains aspects des modèles particulaires classiques pour ne garder que les effets de la vibration, en utilisant des "astuces" graphiques pour rendre compte de quelques caractéristiques du milieu (par exemple, la différence entre "gaz" et solide est très nette mais la comparaison doit se limiter à l'organisation des particules).

Au niveau du domaine de validité et d'application du logiciel, nous pouvons également faire quelques remarques.

SimulaSON ne permet que de simuler des ondes planes progressives monochromatiques harmoniques dont la fréquence et l'amplitude peuvent être modifiées. L'implémentation choisie permet de simuler un amortissement même si nous l'avons rendu nul dans la version jointe. La cause d'amortissement principal des sons que nous entendons habituellement n'est en effet pas due à la dissipation dans le milieu. Simuler cet amortissement dans un "tuyau" pourrait laisser penser que c'est la cause unique de la diminution des sons que nous percevons quand nous nous éloignons d'une source.

Il n'est pas possible pour l'instant de traiter d'autres signaux que des signaux harmoniques. L'acoustique musicale est donc inabordable ici. Ce serait possible avec le même type d'implémentation mais il faudrait alors réduire la taille des particules pour pouvoir distinguer des variations de densité plus petites. Les particules seraient plus nombreuses, ce qui ralentit d'autant l'animation. Ceci fait cependant partie des évolutions possibles du logiciel, au même titre que l'interfaçage à une carte d'acquisition qui pourrait permettre (par transposition explicite des fréquences et des amplitudes) de donner une représentation microscopique de sons réellement créés.

Enfin, le logiciel limite évidemment les intervalles de fréquence et d'amplitude explorés. Ceci est bien évidemment lié aux contraintes technologiques et graphiques. Les intervalles permettent cependant de rendre suffisamment compte des phénomènes dont nous visions la simulation.

Notes
52.

Notons à ce sujet qu'il est regrettable dans notre simulation de voir les particules immobilisées quand le trait vibrant est arrêté. Ces particules devraient continuer à s'agiter. Ce qui est pour l'instant un simple "arrêt sur image" n'est pas vraiment satisfaisant du point de vue de la simulations. C'est une modification importante à effectuer (qui pose cependant des problèmes de programmation).