Chapitre troisième
La Représentation du monde

“Que j’aime ce million de choses
ensemble!”
- Paul Claudel (Le Soulier de Satin)
“J’aime mieux le monde en divers, le
monde en multiple.”
- P.-J. Remy 54

Les moyens de création sont multiples chez P.-J. Remy. Ils reposent sur deux principes fondamentaux: celui du réel et celui de l’irréel. Ce sont en fait deux aspects de la technique romanesque de notre romancier. Pour lui, un sujet de roman est un fruit de la cristallisation, de l’observation et de la méditation. Il ne tient pas à décrire les choses telles qu’elles sont, il ne cherche pas la vraisemblance, mais la représentation.

Son univers est donc représenté comme un monde, englobant plusieurs pays, s’étendant sur plusieurs siècles, comme un grand spectacle composé de diverses scènes, où un millier de personnages, protagonistes et figurants, se côtoient ou se succèdent.

L’important dans l’oeuvre, c’est le foisonnement. Le monde est là. La mise en scène est profondément marquée par la multiplicité et la diversité de personnages et de scènes, qui constituent “le théâtre de [son] roman” (CEA 11). Les milieux que le romancier décrit sont habités notamment par des aristocrates, des intellectuels, des artistes et des acteurs.

Il est clair que P.-J. Remy n’est pas le peintre du milieu ouvrier, ni du milieu paysan; dans son oeuvre les classes ouvrière et paysanne sont très peu évoquées. On n’en trouve que quelques descriptions sommaires. Dans Don Juan, il y a des scènes où Don Juan a été poursuivi par des paysans après le viol de la jeune mariée. Dans Le Rose et le Blanc, des ouvriers et des paysans sont venus dans le domaine où siégeait le groupe qui voulait construire une société idéale. En fait, les scènes de la vie des ouvriers et des paysans présentées par le romancier sont tellement brèves qu’elles ne forment pas un portrait représentatif d’un ouvrier ou d’un paysan, et qu’elles n’enrichissent pas non plus le panorama social dans l’oeuvre. Si P.-J. Remy ne nous a pas présenté un héros ouvrier ou paysan, c’est que, faute d’expérience, il n’a pas été inspiré par ces deux milieux.

Alors que Balzac peint un monde relativement stable et fixe, où les personnages se définissent, P.-J. Remy crée un monde instable, dans lequel ses personnages voyagent, errent ou fuient. Il tente de saisir leurs manifestations essentielles, par lesquelles ses aspirations à certaines valeurs transparaissent nettement.

Notes
54.

cf. Entretien avec P.-J. Remy du 2 juillet 1993, p.429.