4. Le Rapport entre la musique et la littérature

Dans l’oeuvre de P.-J. Remy, la musique et la littérature s’associent toujours étroitement. On dirait que la musique exprime son sentiment, et que la littérature porte sa mélodie. En fait, tous les thèmes musicaux évoqués dans son oeuvre renvoient systématiquement à la littérature. La musique devient en quelque sorte une source d’inspiration pour l’écriture.

La musique, porteuse de sens littéraire, est souvent utilisée ou citée par nos écrivains dans leurs oeuvres. Prenons des exemples, Balzac a fait Béatrix en matière musicale, et dans Gambara, il a abordé des problèmes touchant à la création artistique; Proust a constamment évoqué Wagner qu’il trouvait capable de restituer dans la musique toute la diversité et toute la complexité de la vie vécue; Claudel a avoué qu’il a “admiré Wagner autrefois, d’une manière que les nouvelles générations ont beaucoup de peine à comprendre” 97 ; Gide a éprouvé grâce à la musique une “satisfaction quasi parfaite” 98

Pour P.-J. Remy, l’incarnation fréquente de la musique dans l’oeuvre se fait dès son premier livre Et Gulliver mourut de sommeil, où “le Chevalier à la Rose” de Strauss est déjà présent.

‘“Et ainsi, de livre en livre, d’article en article, le protagoniste retrouve des scènes, des mouvements, des gestes qui viennent tout droit de Strauss.” (EP 389) ’

En fait, on trouve facilement la musique dans tous ses ouvrages, dont plusieurs titres y font allusion. Par exemple, Salue pour moi le monde est un titre emprunté à Tristan et Isolde de Strauss, mêlé avec la mythologie du Ring et la “Tétralogie” de Wagner; La Vie d’un héros est inspiré d’“Une Vie du héros” de Strauss et guidé par “La Flûte enchantée” de Mozart; Un Voyage d’hiver est tiré du “Voyage d’hiver” de Schubert; Don Juan est renvoyé à celui de Strauss et rythmé par “le Chevalier à la Rose” de ce dernier … Ces titres nous montrent non seulement des références musicales, mais aussi un lien étroit entre la musique et la littérature. “La Flûte enchantée n’est en somme qu’un roman d’apprentissage” (VUH 88), voilà la confirmation donnée par un des héros.

Pour les personnages, la musique est comme une sorte de besoin, d’énergie et de force de création. Ecoutons leur affirmation:

‘“Je travaillais mieux en écoutant de la musique.” (T 34) “Les Années de pèlerinage, comme cette sonate de Liszt, les derniers quatuors de Mozart ou le grand quintette à deux violoncelles de Schubert ont alimenté mon énergie.” (T 35) “Nous avons besoin de musique.” (SPE 721)’

La réalité musicale est perçue à travers les personnages. De manière générale, la musique est tout à fait capable de réveiller leurs sensations et leurs idées. Ce qui est important pour l’écrivain et ses personnages, c’est de transférer les sensations acquises de la musique aux idées de l’écriture. Balzac a dit dans Gambara:

‘“Ma musique est belle, mais quand la musique passe de la sensation à l’idée, elle ne peut avoir que des gens de génie pour auditeurs car eux seuls ont la puissance de se développer.” 99

Donc, la musique se présente toujours comme la source d’inspiration, l’essence de la création littéraire. Elle est le véhicule des idées et d’une sensibilité personnelle.

Nous remarquons que, chez P.-J. Remy, presque tous les personnages-écrivains considèrent la musique comme une source d’inspiration pour leur écriture. Citons des exemples: dans Annette ou l’éducation des filles, c’est justement par l’inspiration de la musique que l’héroïne a écrit son livre:

‘“C’était le mouvement lent du concerto pour clarinette: mille idées assaillaient Annette: dix, quinze au moins pourraient entrer dans son roman.” Et “chaque note de ces musiques anciennes réveillait une idée …” (AEF 302 et 404)’

Quant au narrateur de Toscanes, il a avoué:

‘“J’aimais Wagner au-delà de sa musique. Sa musique était un trésor où je puisais d’autres trésors: comme lui, j’ai tenté d’écrire à l’infini, d’entrelacer des motifs, en somme de raconter le monde.” (T 42)’

Dans Salue pour moi le monde, le narrateur s’est exprimé :

‘“J’espérais toujours qu’un chant, un écho, un accent feraient naître les mots qui seraient encore un livre.” (SPMM 46) ’

Dans Un Voyage d’hiver, la “Tu” a dit à son amant avec ces termes:

‘“les cycles de mélodies de Schubert ou de Schumann: il s’agit d’organiser des images, des vignettes qui se répondent dans l’espace de la musique, finissent par faire le tableau d’une vie, d’un amour.” (VH 110)’

Ces exemples montrent clairement que notre auteur cherche dans la musique un reflet pour l’écriture. Selon lui, il suffit d’organiser et développer les idées reçues afin d’accomplir une oeuvre littéraire. A travers ses personnages, P.-J. Remy exprime que la musique, porteuse d’idées, est aussi importante pour eux que pour lui-même. Tout se passe en fait de l’idée à l’écriture. Ainsi, à la fin de ces romans, tous les protagonistes réussissent à écrire leur livre.

La musique peut donner un effet d’infini et exprimer ce que le langage verbal est incapable de dire. Comme George Sand l’a souligné:

‘“La musique dit tout ce que l’âme rêve et pressent de plus mystérieux et de plus élevé. C’est la manifestation d’un ordre d’idées et de sentiments supérieurs à ce que la parole humaine pourrait exprimer. C’est la révélation de l’infini …” 100

Comme Balzac l’a affirmé:

‘“L’esprit de l’écrivain ne donne pas de pareilles jouissances, parce que ce que nous peignons est fini, déterminé, et ce que vous jette Beethowen est infini.” 101

Georges Sand, Balzac et bien d’autres écrivains ont mis l’accent sur la supériorité de la musique au langage humain. Ce qu’ils comptent le plus, c’est évidemment l’effet d’infini qui entraîne une résonance et un prolongement, et suscite bien entendu des imaginations.

Chez P.-J. Remy, cet effet d’infini réside non seulement dans une résonance et un prolongement aux états d’âme des personnages, mais aussi dans l’imagination et la transformation de leurs idées. Prenons encore des exemples, dans Un Voyage d’hiver, le héros trouve que

‘“Chaque mélodie est comme un tableau … un tableau, une vignette, qui renvoie à d’autres tableaux, d’autres gravures, d’autres images …” (VH 50). ’

Donc, la musique peut tout engendrer, et ce qu’elle renvoie est infini. Cette idée d’enchaînement et d’infini s’évoque également dans Toscanes:

‘“Et puis il y avait dans l’Or du Rhin la rigueur de ses enchaînements, les thèmes qui naissaient l’un de l’autre, transformés, comme à l’infini” (T 41). ’

Tout commence ici par cet “Or du Rhin”, auquel succède toute la “Tétralogie” de Wagner, et par lequel tous les thèmes sont évoqués. Ce qui est essentiel, c’est de développer et transformer ces thèmes enchaînés. De ce fait, le héros de Toscanes arrive à retrouver dans la musique le bonheur perdu, et le narrateur d’Un Voyage d’hiver peut rappeler toute sa propre vie.

Quand Balzac parlait de Rossini, Proust de “Vinteuil”, ou Claudel de Wagner, il y avait toujours des idées qui circulaient, des sens qui s’accumulaient, une écriture qui se formait … Si P.-J. Remy parle de Bach, c’est probablement pour créer un effet de polyphonie. Comme les trois Sonates et trois Partitas pour violon seul de Bach peuvent produire une polyphonie sur un instrument monodique et donner un ensemble de variations, notre écrivain souligne à sa manière une polyphonie de ses personnages dans un seul roman. Le Sac du Palais d’Eté, Chine et bien d’autres livres en sont des exemples. Au fur et à mesure que les scènes se déroulent, les voix s’élèvent simultanément. Notre auteur fait parler ses personnages et traite parallèlement plusieurs aventures et intrigues.

On pourrait dire que P.-J. Remy invente une structure thématique au sens musical puisque les récits s’organisent comme une série de juxtapositions. Salue pour moi le monde nous présente à la fois le récit et les actes de l’Opéra. Dans Le Sac du Palais d’Eté ou dans Chine, le récit et le livre de Segalen inséré dans le roman donnent un effet de juxtaposition, et les personnages qui ont envie d’écrire parlent tous de leurs expériences et de leur roman à naître. Ces romans racontent parallèlement des aventures individuelles et collectives: celles des Occidentaux et des Chinois. On se trouve tantôt en Chine, tantôt en Europe, tantôt en Amérique … On sais que l’écriture par juxtaposition a été cherchée par Gide, comme ce qu’il a affirmé:

‘“Je suis comme un musicien qui cherche à juxtaposer et imbriquer, à la manière de César Franck, un motif d’andante et un motif d’allégro.” 102

Il est clair que Gide a rapproché sa structure littéraire de celle d’un musicien. Nous trouvons dans Les Faux-Monnayeurs à la fois le récit et le journal. Par un de ses personnages, Gide a avoué:

‘“Ce que je voudrais faire, comprenez-moi, c’est quelque chose qui serait comme l’Art de la fugue. Et je ne vois pas pourquoi ce qui fut possible en musique serait impossible en littérature.” 103

Selon l’écrivain, la fugue, avec sa multiplicité de voix, peut représenter une forme romanesque. Ainsi, l’idéal est de s’exprimer à la façon musicale. C’est pourquoi Proust a passé du “Port de Carquethuit” d’Elstir au Septuor de Vinteuil:

‘“Cependant le septuor qui avait recommencé avançait vers sa fin; à plusieurs reprises une phrase, telle ou telle de la Sonate, revenait, mais chaque fois changée, sur un rythme, un accompagnement différents, la même et pourtant autre, comme reviennent les choses dans la vie.” 104

Ce que Proust voulait exprimer, c’est justement une simultanéité équivalente au contrepoint en musique, enfin une épaisseur du texte. Par un de ses protagonistes, P.-J. Remy a dit de son tour:

‘“Chaque type de travail avait aussi sa musique: les sonates et les partitas pour violon de Bach convenaient à une écriture rapide, fiévreuse; les variations Goldberg, au contraire, à la réflexion; l’Art de la fugue à ce que je croyais être l’alchimie du verbe … Mais les Années de pèlerinage - la seconde année, surtout - ont traversé le temps.” (T 35)’

Nous pourrions alors conclure: Le Sac du Palais d’Eté et Chine représentent une écriture rapide et foisonnante: tout est en mouvement, et le va-et-vient se déroule sans arrêt; Salue pour moi le monde donne à réfléchir: la scène se lie à l’Histoire contemporaine; La Vie d’un héros est comme une fugue qui évoque le langage verbal et le langage musical; et Toscanes est l’objet d’une recherche du temps perdu: c’est à

travers le voyage en Italie qu’on fait revivre les souvenirs … La musique est ainsi chargée d’une forme d’expression.

La mythologie apparaît omniprésente dans la musique comme dans la littérature. P.-J. Remy a consacré plusieurs ouvrages au mythe, dans lesquels le mythe et la musique sont associés avec le récit: la mythologie du Ring évoquée par la “Tétralogie” de Wagner, le mythe de Pandore, celui de Don Juan …

Tous ses romans fondés sur le mythe sont représentés par la musique ou l’opéra. Roland Barthes a indiqué dans Mythologies:

‘Il en est de la musique comme des autre arts, y compris la littérature: la forme la plus haute de l’expression artistique est du côté de la littérature, c’est-à-dire en définitive d’une certaine algèbre: il faut que toute forme tende à l’abstraction, ce qui, on le sait, n’est nullement contraire à la sensualité.” 105

Bien entendu, le mythe lui-même n’est pas une idée, ni une forme. Mais l’écrivain sait utiliser ce mode de signification en transposant des idée et en jouant sur des échos. Le message laissé par le mythe est réécrit par l’écrivain. Si la composition de plusieurs de ses romans se rapproche de celle des pièces musicales, c’est dans la mesure où elle reflète une vision du monde d’essence musicale et théâtrale. La musique est prise comme un prétexte à laisser exprimer le jeu d’associations et de transposition des idées.

Il est clair que Salue pour moi le monde est tracé par la “Tétralogie” de Wagner. Si la musique tient une grande place dans la mise en scène, c’est qu’elle s’exprime comme forme d’expression. La structure de ce livre est basée sur les actes et les scènes de l’opéra de Wagner. Et les thèmes du mythe et de la musique renvoient à ceux du roman: la jeunesse, l’amour, la violence, la mort … Notre écrivain s’en sert sans doute pour rappeler le passé, le destin humain, et pour dénoncer le danger de la montée du nazisme. L’anneau est “le coeur même du drame. Tout se joue autour de lui.” (SPMM 88) Et par le personnage-écrivain, l’auteur affirme: “tout se joue autour de l’écriture, et j’ai tout joué sur l’écriture …” (ibid.). Dès la première scène, la possession de l’anneau, qui passe par plusieurs personnages, est comme procédé de construction du drame. En fait, ce roman représente un travail d’inspiration et de création. D’ailleurs P.-J. Remy le souligne à la fin du livre: “Mais l’inspiration? Mais le processus même de la création …” (SPMM 379). Evidemment, c’est par la musique qu’on obtient l’inspiration; c’est dans le roman qu’on suit le processus de la naissance de l’oeuvre.

Le thème de Pandore est maintes fois traité par des écrivains célèbres, par exemple, Pandore de Voltaire(1740), celle de Goethe (1850), celle de Nerval(1854) … Mais, seul P.-J. Remy associe le mythe de Pandore avec la musique. Il propose une lecture sur la femme et la passion pour la musique en montrant l’éternité du mythe et de la musique. C’est à la fin du récit qu’on voit mieux le motif de l’auteur: l’actrice est morte, et le compositeur devenu inactif, il ne reste alors que le mythe et la musique: “Anna est morte, Carl s’est tu, Pandora n’est plus qu’un mythe, mais la musique vit.” (P 417)

Chez P.-J. Remy, la femme est toujours liée avec la musique. Bien qu’en tant qu’actrice, la femme soit mortelle, la musique mêlée avec le mythe devient immortelle. Ce qui est déjà évoqué par P.-J. Remy dans La Mort de Floria Tosca, où il affirme: “Callas est pour moi un monument.” 106 Selon lui, le monument fondé sur la femme et la musique est éternel.

Don Juan de P.-J. Remy, composé sur le mythe de Don Juan, et rythmé par “le Chevalier à la Rose” de Strauss, peint le portrait d’un libertin, dont le destin est à la fois romantique et tragique. On y trouve des passages présentés comme des scènes de l’opéra. Rappelons-nous le début du roman. Sur une place baroque en Espagne, le combat entre Don Juan et le commandeur se déroule théâtralement. Après avoir tué le commandeur, Don Juan s’enfuit tout de suite. A ce moment-là,

‘“une longue musique, semblable aux accents funèbres et lents d’une lente gamme qui se meurt, emplissait la place … la musique et la clameur d’un roulement continu de tonnerre et de tambour.” (DJ 12-13) ’

Nous pouvons dire que dès le début du roman, la musique suit les aventures de Don Juan. En réalité, tout le livre est traversé par la musique. Cet effet associé de musique et de mythe varie largement le champ romanesque de notre écrivain.

De ce fait, l’objectif final de faire vivre la musique, c’est d’écrire le livre. Par un personnage-architecte de La Vie d’un héros, l’auteur s’explique:

‘“Si nous construisons un palais, un opéra ou une cathédrale, et même si nos motifs immédiats n’apparaissent pas si clairement, c’est d’abord pour que la musique vive.” (VUH 211) ’

Ainsi, chez P.-J. Remy, la musique devient éternelle, elle “abolit l’espace et le temps” (SPMM 57), et elle se lie à l’écriture. L’opéra, à la fois un lien de représentation musicale et un art de chanter l’ouvrage dramatique, donne parfaitement l’inspiration à l’écriture.

Il est vrai que P.-J. Remy porte une grande passion pour l’opéra. Dans Bastille: rêver un opéra, nous voyons son ambition de “construire un monde, en somme, et un opéra.” 107 La construction de l’opéra renvoie en fait à celle du monde, enfin celle du livre. Tout part de “l’idée de la cité idéale, le monde représenté, figuré, de la musique” (ibid.) C’est pourquoi nous trouvons dans son oeuvre des opéras de Mozart, de Puccini, de Wagner, de Strauss … En tant qu’ouvrage dramatique chanté et accompagné à l’orchestre, l’opéra représente un art suprême qui “peut tout rassembler.” (P 99)

D’après Proust, un livre peut être considéré comme “une grande construction musicale” 108 et une “majestueuse symphonie” 109 . Proust se demandait:

‘“si la musique n’était pas l’exemple unique de ce qu’aurait pu être - s’il n’y avait pas eu l’invention du langage, la formation des mots, l’analyse des idées - la communication des âmes.” 110

Thomas Mann a répété cette idée de sa part:

‘“pour moi le roman a toujours été une symphonie, composée de points et de contrepoints, un canevas constitué par la trame des thèmes, où les idées jouent le même rôle que les motifs en musique” 111

P.-J. Remy désire également une telle association des idées, des images, des sentiments, des formes, des langages … Selon lui, l’art de la composition nécessite un “ensemble”, un “total”. La recherche de la totalité est mise en évidence par le désir de tout rassembler. Bien que la musique prenne l’apparence de l’absence totale de forme, elle offre la possibilité de créer des formes inspirées. Etant donné que la symphonie peut tout englober et embrasser, il tente de donner au roman des caractéristiques de l’art musical. La symphonie héroïque de Beethoven, “Don Juan” et “Une Vie de héros” de Strauss, la “Tétralogie” de Wagner ne sont-elles pas caractérisées par la multiplicité et l’enchevêtrement des thèmes? Sans aucun doute, Beethoven, Strauss se sont beaucoup consacrés à la musique, et avec tous ses drames musicaux Wagner a parfaitement créé une nouvelle forme de “spectacle total”.

Par un de ses personnages, notre auteur affirme: “La variation devient le moyen d’une création nouvelle et spontanée de la forme.” (SPMM 369) Il est évident que la variation et la forme musicales renvoient toujours à celles de l’écriture. En fait, le poème symphonique peut s’inspirer d’une oeuvre littéraire, et celle-ci peut le fait inversement. Dans l’oeuvre de P.-J. Remy, la musique n’est qu’un prétexte, car les morceaux musicaux cités sont dépourvus de toute technique musicale. Il n’y a que le jeu d’écriture qui compte. Le jeu des associations et des transpositions se fait dans la symphonie comme dans l’écriture. Les ouvrages tels que Salue pour moi le monde, Pandora, qui résultent d’une tentative de saisir l’inspiration musicale, sont comme une transposition littéraire d’un opéra.

De manière générale, Bach et Beethoven sont distingués par la variation, la multiplicité, l’enchevêtrement des thèmes; la musique de Chopin comporte à la fois l’ampleur et la variété; Shubert porte la valeur féminine et lyrique; Liszt constitue dans sa musique une symphonie poétique; Wagner, pionnier de la musique moderne, est un génie du “spectacle total”; Strauss est considéré comme un géant musical …

Inspiré par ces compositeurs, P.-J. Remy tente de nous montrer la magie de la musique qui peut tout engendrer et tout représenter. Dans son oeuvre, le foisonnement des personnages et l’entrelacement des intrigues résultent en quelque sorte de l’inspiration musicale visée à une écriture totale. Avec ses diverses touches, notre écrivain fait ses compositions en montrant le point de contact entre la musique et la littérature. Ce que son écriture demande à la musique, c’est probablement la possibilité d’une organisation structurée et d’une représentation des thèmes entrecroisés, d’une combinaison des sons (voix), de l’organisation de la durée, ainsi que de la conception du “leitmotiv”. Le rapport entre la musique et l’écriture passe en fait par un lien synesthésique entre musique, photographie, peinture, sculpture, entre imagination visuelle, spatiale et temporelle.

Notes
97.

Paul Claudel, L’Oeil écoute, pléiade, Oeuvres en prose, p.368.

98.

André Gide, Oeuvres complètes, V.X.

99.

Balzac, Gambara, VI, p.690.

100.

George Sand, Consuelo, Aurore, 1983, tome 1, p.384.

101.

Balzac, Lettres à Mme Hanska, Delta, 1967, tome 1, p.554.

102.

André Gide, Journal des Faux-Monnayeurs, Gallimard, 1927, pp.13-14.

103.

André Gide, Romans, Gallimard, Pléiade, 1962, p.1084.

104.

Marcel Proust, “La Prisonnière”, A la Recherche du temps perdu, Pléiade, Gallimard, 1988, p.763.

105.

Roland Barthes, Mythologies, Seuil, “Point”, 1957, p.169.

106.

P.-J. Remy, La Mort de Floria Tosca, Mercure de France, 1974, p.86.

107.

P.-J. Remy, Bastille: rêver un opéra, 1989, p.29.

108.

Marcel Proust, Correspondance, V.10, Plon, p.142.

109.

ibid. V.14, p.99.

110.

Marcel Proust, La Prisonnière ,III, p.762.

111.

Cité par I.Fonagy, Problèmes du langage, in Diogène, N°5, Gallimard, 1966.