- La temporalité

Le romancier présente ses héros dans le temps en proposant une technique du récit qui vise la temporalité. Dans Le Dernier été, le temps joue un rôle essentiel. Il y a un temps long qui se déroule du début jusqu’au neuvième chapitre et un temps court entre le neuvième chapitre et la fin du roman:

En réalité, le temps long sert à l’évocation d’une vie heureuse, qui s’oppose au temps court, imprégné de mensonge, de haine et de trahison. De 1944 (l’histoire a lieu) à 1983 (le roman est écrit), il y a un retour brutal à la réalité. Tout le roman est sous le signe du passé, mais un passé bien conservé dans la mémoire.

Rêver la vie est également un roman qui évoque un retour en arrière dans la mémoire du narrateur. L’auteur établit un rapport entre le rêve et l’écriture, et montre une technique consciente et élaborée du renversement et de la rétrogradation du temps. La vie s’oppose à la mort, et le rêve à la réalité. Le romancier exprime, avec des “images voulues, recréées de l’intérieur” (RV 9), le paradoxe d’une présence recherchée dans les mots. Le réel ne se distingue pas des images que projettent le rêve et le désir du héros. Il est transfiguré. On se demande si le langage est transparent et si l’on vit des choses qu’on raconte.

En fait, ce n’est pas le rêve qui fonde la possibilité du roman, mais le roman qui produit l’image du rêve: une remontée jusqu’au lieu d’où procède l’écriture. Le roman existe par l’écoulement du temps et il est d’une certaine façon, une mise en forme du temps. Rêver la vie traite une absence, et le narrateur sait ce qu’il a vécu. Voici le commencement d’une vie par la naissance:

La naissance le récitLe narrateur

du narrateurâgé de 60 ans

Le narrateur devenu écrivain tourne vers le passé, et le récit se déroule en suivant une succession temporelle. Par la mémoire, le passé revient inonder le présent. Le regard rétrospectif embrasse tout le roman, mais au passé du “Moi” s’oppose le présent du “Je”. Celui-ci est en fait métaphore du roman, de l’écriture. Le narrateur est en même temps héros, acteur, observateur, enfin créature désirée dans le monde à la fois réel et imaginaire.

Mais le procédé temporel est différent dans Désir d’Europe, où dès le début les amis du héros Gérard parlent de sa mort. On n’est mis au courant que de la fin de ce héros sans connaître sa vie ni la cause de sa mort. Pourtant, toute sa vie est racontée plus tard par lui-même dans le récit. L’auteur retrace l’existence vécue par le héros et mémorisée par le narrateur. Le temps du récit est réinventé par des moyens littéraires: le passé est sous la forme de récit romanesque.

La vie de Gérard racontée par lui-même

La fin de la vie

(La mort racontée par des amis) le récit Avant la mort