B. Le doute au coeur du langage

Le poème n’apportera pas de réponse définitive à ces troublantes questions. S’il y a du jeu au coeur de l’être, le langage ne peut qu’en subir les effets. Celui-ci, de fait, n’échappe pas à la loi universelle, même sous sa forme écrite. Si ailleurs « ‘les écrits restent’ » quand « ‘les paroles s’envolent’ », ils ne peuvent prétendre ici

à la permanence :

Les lettres s’effaçaient seules au tableau noir97
S’il vous arrivait d’ouvrir des livres sur des rayons
Voilà qu’ils apparaissaient avec leur texte changé98.

Bref, l’écriture n’admet pas la fixité, pareille à l’écume, qui semble bien la symboliser dans la dernière page du Forçat innocen t :

L’écume luit et ses signes nacrés,
Fol alphabet, aux blancheurs sans mémoire99.

Ce « fol alphabet » correspond en effet à notre langage devenu insaisissable dans un monde en mutation constante où

[...] toujours l’eau brouille toute l’histoire100.
Notes
97.

« La Rêverie », Les Amis inconnus, p. 316.

98.

« La lampe rêvait tout haut qu’elle était l’obscurité... », Les Amis inconnus, p. 329.

99.

« Dans son château l’enfant à la nourrice... », Le Forçat innocent, p. 295.

100.

Ibid.