Si l’histoire est toujours à recommencer, le choix laissé aux hommes se réduit à l’alternative suivante : subir le changement ou l’accompagner. « ‘Le poète du mouvement perpétuel’ »101 a opté pour la deuxième solution. Lui demandait-on sa devise ? Il répondait non sans malice : « ‘Cela dépend des jours’ »102.
Sous cet éclairage, la signification du jeu se précise : réponse humaine à une loi universelle, il renchérit à des fins poétiques sur l’incertitude générale. Puisque rien n’est sûr et qu’un mouvement incessant nous emporte, permettons aux mots de s’assembler selon de secrètes affinités que le code, reflet de l’illusion dominante, ne reconnaît pas ; lâchons la bride au langage et même si la liberté totale n’est pas de mise, laissons-lui le soin d’exprimer à travers des figures audacieuses la précarité de notre système de pensée, le doute qui interdit de trancher entre les contraires et l’étrangeté de notre condition.
Paul Viallaneix, op. cit., p. 154. Comme pour donner à voir ce mouvement multiforme et incessant, Yves Berger use quant à lui de l’accumulation : « Supervielle est l’inlassable poète des mouvements toujours recommencés. [...] Dans cette oeuvre, je m’abandonnerais volontiers à ne voir qu’ascensions, chutes, déplacements, courses, sauts, plongeons, glissements, reptations » (« Les distances de Jules Supervielle », in « Hommage à Jules Supervielle », La Nouvelle Revue française, n° cité, p. 739-740).
In Étiemble, op. cit., p. 16.