7. La dualité comme expérience de l’unité

La dualité avait donc pour enjeu l’appréhension de la continuité. Ainsi s’expliquent le petit nombre d’antithèses traditionnelles (dont Barthes disait qu’elles « consacre[nt] » la dualité) et la préférence du poète pour les alternances, dont le mouvement pendulaire garantit l’efficacité. Celui-ci découvre en effet l’unité par le balancement même : en englobant les extrêmes dans une même amplitude, il les inscrit dans un continuum et ce faisant, « consacre » le lien qui les unit.

Mais pourquoi un tel détour ? Pourquoi passer par la dualité pour saisir l’unité ? Cette démarche, de nature paradoxale, découle de la représentation de l’un qui fonde l’univers poétique. Jamais donnée, hormis dans un âge d’or lui-même très vite menacé par les ruptures, l’unité ne se trouve pas, elle se cherche, se conquiert. Aussi s’éprouve-t-elle plus souvent dans la durée que dans l’instant, dans la quête que dans la découverte, et dans la structure plutôt que dans le mot. Bref, le texte la débusque à travers la continuité dans le changement, si l’on peut dire. Car dans cette poésie qui se plaît bien davantage à évoquer des mutations que des états, des passages que la fixité, être c’est devenir. Rien de plus constant que le changement, on l’a vu, mais sous des formes qui préservent l’unité et vont jusqu’à refléter le passage du deux à l’un, ou plus exactement la saisie de l’un à travers le deux. Véritable paradoxe en marche, le changement, porté par sa logique propre, réclame entre les termes d’une opposition l’amplitude maximale pour mieux donner corps à l’unité — car celle-ci s’élabore plus efficacement sous l’impulsion d’un mouvement vigoureux. À cette exigence répondront les alternances qui oscillent d’un antonyme à l’autre mais aussi et surtout les paradoxes conjonctifs, où sont réunis des lexèmes de sens opposé.