B. La disjonction par les substituts de sans

Malgré sa spécificité, le dernier exemple présente un trait commun avec les précédents : le rôle pivot de sans. Pour marquer la disjonction, le texte n’est cependant pas tributaire de cette seule préposition, dont il propose ici et là des équivalents. Le substitut peut être lexical :

Nous cueillons et recueillons du céleste romarin,
De la fougère affranchie qui se passe de racines338,

mais il relève plus volontiers de la syntaxe, notamment par le biais de la négation. Ainsi à la principale peut répondre une concessive négative marquant la disjonction tout aussi efficacement que sans :

Bien qu’elle n’en eût point
Elle jouait des ailes339
Bien qu’elle ne fît rien
Que de ne pas bouger
La petite muette
N’en faisait qu’à sa tête340.

Ou bien le texte présente négativement une proposition qui, à l’affirmative, constituerait une lapalissade :

Je te donne un poisson
Qui n’a pas besoin d’eau 341
[...] coulent des cascades qui ne mouillent rien 342
[...] quelqu’un vient s’établir chez moi,
Il n’a pas de visage ni corps ni mains ni doigts 343.

L’effet est comparable lorsque sont évoqués deux événements étroitement solidaires et que l’un des deux est nié :

On voyait le sillage et nullement la barque344
Je m’allonge sur le dos, moi qui ne sais même pas nager ni faire la planche
Et ne parviens pas à me mouiller345.

Notes
338.

« Apparition », Gravitations, p. 164.

339.

« Le Mirliton magique », Le Corps tragique, p. 628.

340.

Ibid.

341.

« Rencontre », 1939-1945, p. 442.

342.

« Le Chant du malade », L’Escalier, p. 574.

343.

« Quelqu’un », Le Corps tragique, p. 600.

344.

« Le Sillage », Les Amis inconnus, p. 315.

345.

« Un homme à la mer », Gravitations, p. 224.