Inversion simple ou croisée ou encore redistribution, des opérations aussi différentes laissent attendre une certaine diversité sur les plans lexical et syntaxique. On aura par ailleurs remarqué que ces énoncés s’appuient par nature sur une situation de convention ou un intertexte qui, selon les cas, transparaît à peine ou au contraire se donne à voir sans équivoque. La lisibilité des marqueurs va donc varier très sensiblement.
Le marqueur lexical peut être une lexie exprimant une démarche inversée, un mouvement à rebours :
Ou bien lorsque sont comparés les deux termes d’un couple antinomique, le texte convoque l’antonyme du mot commandé par le contexte :
Au demeurant, l’efficacité des marques lexicales dépend du système logico-sémantique qui les intègre : l’effet de surprise s’atténuera nécessairement dans le cadre d’une permutation croisée et plus encore s’il s’agit d’une redistribution. Autrement dit, la deuxième « impertinence » sera moins surprenante que la première — et ainsi de suite. De fait, dans :
les verbes du second vers, quoiqu’« impertinents », ne peuvent être regardés comme totalement imprévisibles, dans la mesure où ils complètent une permutation.
Quant au marqueur morphosyntaxique, il peut, dans un contexte sémantiquement très contraignant, se résumer à un adjectif possessif :
Mais le plus souvent, il relève de la structure et plus précisément de la relation entre les groupes fonctionnels, ainsi lorsque le texte « travaille » l’intertexte ou les représentations dominantes :
Rien d’étonnant, par conséquent, si de telles séquences revêtent volontiers la forme de la comparaison :
Enfin, ce type de paradoxe peut avoir pour marques l’identité du locuteur et, le cas échéant, celle de l’allocutaire. La séquence suivante :
n’est en effet paradoxale que par son énonciateur : Dieu, à qui l’on ne prête pas en principe le désir d’imiter l’homme. Quant à la comparaison :
elle tire tout son effet paradoxal du statut respectif de l’énonciateur et des destinataires, puisqu’il s’agit d’un fantôme s’adressant aux vivants.
Bref, si en l’occurrence, les marqueurs du paradoxe sont le plus souvent de nature lexicale ou morphosyntaxique, ils peuvent aussi relever de l’énonciation.
« À Lautréamont », Gravitations, p. 222.
« Le monde allait à reculons... », Le Corps tragique, p. 604.
« Statues à Venise », Le Corps tragique, p. 595. On aura remarqué que, dans ce cas, le paradoxe présente le même moule syntaxique que la tautologie, dont il se distingue par un seul mot.
« À un poète », Oublieuse mémoire, p. 533.
« Comme une bienveillante et magnifique fleur... », Comme des voiliers, p. 21.
« L’Antilope », Les Amis inconnus, p. 334.
« Les Deux Soleils », L’Escalier, p. 588.
« Statues à Venise », Le Corps tragique, p. 595.
« Le Corps », La Fable du monde, p. 374.
« Dieu pense à l’homme », La Fable du monde, p. 354.
« Le Ressuscité », 1939-1945, p. 447.