Étudier la longueur de ces séquences inversantes et redistributives amène à distinguer entre les cas types et les variantes. Dans la première catégorie, on rangera l’inversion simple, qui s’accommode en principe d’une seule proposition, souvent d’une construction très limpide, comme pour rendre plus lisible le schéma logique sous-jacent :
Autres formes plus ou moins bien définies : le chassé-croisé, dont le modèle requiert une phrase en deux temps :
et la redistribution, qui nécessite évidemment plusieurs vers pour se déployer.
Mais il s’agit là de modèles dont le texte ne se rend pas prisonnier. La séquence tend en effet à s’allonger dans tous les cas lorsqu’elle s’inscrit dans un poème narratif. Supervielle reconnaissait volontiers que chez lui le conteur « surveill[ait] » le poète. Mais peut-être lui suggérait-il aussi des poèmes. De fait, le texte semble parfois relever d’un genre mixte suscitant le développement des situations paradoxales et par là, le déploiement d’énoncés narratifs de structure diffuse :
Les séquences ont également tendance à prendre de l’ampleur lorsque le poème adopte le code oral, moins dense que l’écrit, puisque par nature il abonde en incidentes et en renchérissements :
Ainsi la longueur de la séquence varie-t-elle selon l’opération (inversion simple, double permutation ou redistribution) qui la sous-tend. Le critère de l’étendue confirme par ailleurs la grande souplesse du paradoxe dissociatif, susceptible de se condenser à l’extrême comme de se déployer sur plusieurs vers — notamment dans la narration ou le discours —, au risque de présenter une structure moins ferme.
« L’Antilope », Les Amis inconnus, p. 334.
« À un poète », Oublieuse mémoire, p. 533.
« La Giralda », Oublieuse mémoire, p. 529.
« Statues à Venise », Le Corps tragique, p. 595.
« Le Ressuscité », 1939-1945, p. 447.