6. Les configurations extraséquentielles

Mais si ce type de relation paradoxale s’inscrit généralement dans une séquence bien délimitée, il lui arrive aussi de s’appuyer sur des poèmes situés dans différentes sections d’un recueil ou même dans des recueils distincts. Ainsi le lecteur de Gravitations ne peut qu’être frappé par la propension à l’envol d’objets massifs et parfois très volumineux, comme une table :

L’homme, la femme, les enfants,
À la table aérienne
Appuyée sur un miracle
Qui cherche à se définir574,

des navires :

Des trois-mâts s’envoleront quelques vagues à leurs flancs575

et même un boulevard :

Boulevard Lannes que fais-tu si haut dans l’espace [...] ?576

Or à cette aspiration vers le haut correspond symétriquement une tendance à la chute chez des animaux qui, normalement, résistent à la pesanteur et aux intempéries :

Oiseaux de la forêt
[...]
Ah ! vous tombez des arbres577.
Que le vent dur comme fer
Casse les oiseaux contre terre !578

Une telle configuration peut même sortir du cadre du recueil, comme le montre la symbolique des couleurs. En effet, à la valeur négative du blanc dans « Le Tapis vert » (Les Amis inconnus) :

Je touche par la bande
La blanche de tristesse579,

répond dans « Un Braque » (Oublieuse mémoire) une valorisation du noir, qui en vient à exprimer la « sérénité » :

Les poissons d’un si beau noir
Qu’ils remplacent tout espoir
Par plus de sérénité
Que n’en montre un bel été580.

On le voit, la même matrice paradoxale est à l’oeuvre dans les séquences linéaires et dans ces configurations transtextuelles, même si, il faut en convenir, le degré de lisibilité n’est pas le même dans les deux cas.

Notes
574.

« La Table », p. 191.

575.

« Terre », p. 232.

576.

« 47 boulevard Lannes », p. 166.

577.

« Vivre », p. 195.

578.

« Ordre », p. 226.

579.

P. 347.

580.

P. 504.