Chapitre III :
LES PARADOXES CONJONCTIFS

Une remarque s’impose d’emblée : on chercherait en vain entre les deux ensembles de paradoxes un rapport de symétrie. En effet, la conjonction paradoxale donne lieu à des actualisations beaucoup plus nombreuses (dans une proportion d’environ cinq pour une) et nettement plus variées que les matrices dissociatives. Certes, elle s’inscrit le plus souvent dans une séquence facilement délimitable, mais il lui arrive aussi de se disperser et de prendre la forme d’un énoncé trop lacunaire pour être appelé séquence 581, ou encore de servir de fondement à tout un poème. Dans ce dernier cas, le texte comporte des formules paradoxales en série qui amènent à distinguer deux niveaux de paradoxes : en profondeur, la figure matricielle et à la surface les multiples séquences qui en dérivent. Mais ce n’est pas tout : on se souvient que la tension paradoxale peut aussi s’instaurer entre des éléments situés dans des poèmes différents. Sans doute les configurations extraséquentielles possèdent-elles un statut particulier. Elles n’en confirment pas moins l’importance de la relation paradoxale dans la poétique superviellienne et à ce titre, elles ont leur place dans notre corpus. Comment donc va s’organiser notre analyse dans les pages qui suivent ? Elle portera certes pour l’essentiel sur les séquences proprement dites et sur les formes « en pointillé » inscrites dans un espace si limité que leur perceptibilité et par là, leur cohésion ne sauraient être mises en doute. À cela une raison simple : ces formes représentent l’immense majorité des paradoxes conjonctifs dans la poésie de Supervielle. Mais les configurations transtextuelles ne seront pas oubliées, car, par leur seule présence, elles éclairent la cohérence dont le texte fait preuve dans sa pratique du paradoxe.

Notes
581.

Ceci ne se produit qu’exceptionnellement dans les énoncés dissociatifs.