La description des paradoxes conjonctifs suppose que l’on dégage en premier lieu les matrices qui les sous-tendent. Une question préalable se pose toutefois : le texte préfère-t-il dissimuler les schémas logiques ou les laisser transparaître ?
On sait que le paradoxe conjonctif implique l’inscription de termes antinomiques dans un même segment d’énoncé. Cela dit, l’usage veut que le poème se borne à proposer le résultat de ce rapprochement audacieux. Si, en règle générale, il en va bien ainsi chez Supervielle, la dynamique ayant amené la formule peut aussi se donner à lire dans le texte — quitte à atténuer singulièrement la tension paradoxale. La genèse de la séquence s’affiche alors, attestant qu’à travers le paradoxe le poète ne recherche nullement l’obscurité. Ainsi, le poème ne répugne pas à « expliquer » pourquoi le sanglot ressemble au silence ou comment la mer est devenue douce :
De telles explicitations demeurent néanmoins exceptionnelles. Même s’il ne prise jamais l’hermétisme, le texte reste en général plus discret sur ses processus d’engendrement, allant parfois jusqu’à nous dissuader de porter sur lui un regard trop inquisiteur :
Ni dissimulation ni exhibition, donc. Comme en témoigne le dernier vers, le texte adopte volontiers un moyen terme : le schéma logico-sémantique non explicité, mais transparent. Rien ne vient alors occulter le mécanisme sous-jacent, comme ici la conjonction de deux termes tenus pour incompatibles dans le code général (sauvage vs familière). On verra que les éléments ainsi mis en relation seront tantôt des contraires, tantôt des contradictoires.
« L’Enfant assassiné », 1939-1945, p. 422.
« Il a plu si fort que la mer est douce... », Oublieuse mémoire, p. 515.
« Mais voici venir les Créoles... », Poèmes, p. 100.