Certaines structures lexicales reflètent très lisiblement la matrice logique. Il en est ainsi, par exemple, lorsque le texte construit ses paradoxes sur le rapport d’antonymie :
Parfois, comme pour souligner l’opposition lexicale, une base et un dérivé se répondent :
Le rapport paradoxal se complique ou se brouille légèrement lorsque la conjonction s’accomplit grâce à la polysémie de l’un des antonymes :
Sévère doit-il se comprendre comme le synonyme de strict ou d’austère ? Seule la première de ces lectures induit un paradoxe, mais le contexte ne permet pas de trancher. Le paradoxe est à ce prix — bien léger, en vérité, car la poésie fait par nature bon ménage avec l’ambiguïté et la polysémie627.
De même, le jeu sur les sens propre et figuré peut faciliter le rapprochement des contraires :
Comment interpréter le deuxième verbe de la figure (se trouver, qui répond à s’égarer) ? Le contexte laisse au lecteur le soin de choisir — ou de ne pas choisir — entre deux acceptions, l’une purement factuelle, l’autre plus ontologique, les cavaliers découvrant alors leur vraie nature grâce à leurs chevauchées aventureuses. Ici encore, le paradoxe a partie liée avec une ambiguïté habilement ménagée.
Ajoutons pour mémoire que la figure peut à l’occasion s’affranchir d’une symétrie trop parfaite et mettre en relation un lexème et une expression :
« On voyait bien nos chiens perdus dans les landes... », Les Amis inconnus, p. 310.
« À la nuit », p. 474.
« Rochers », Le Corps tragique, p. 594.
« Pour ces yeux verts, souvenir de quels mondes... », Le Corps tragique, p. 627.
« L’Ironie », L’Escalier, p. 579.
« Une main entre les miennes... », L’Escalier, p. 581.
« Printemps », Comme des voiliers, p. 41.
Dans son recensement des traits du « langage expressif », dont la poésie serait la forme la plus accomplie, Philip Wheelwright cite « la pluralité de sens au sein même d’un seul contexte » (Tzvetan Todorov, « Le discours de la poésie », Poétique, n° 28, 1976, p. 388).
« L’Autre Amérique », Le Forçat innocent, p. 284.
« Derrière ce ciel éteint », Débarcadères, p. 126.