A. Les relations paradoxales entre unités équivalentes

La syntaxe, donc, va permettre à des termes que le lexique disjoint d’entrer dans des structures conjonctives. Pour parvenir à ses fins, elle propose diverses relations.

a) La comparaison

Entre unités de même nature ou grammaticalement équivalentes (c’est-à-dire commutables, comme par exemple le substantif et le verbe à l’infinitif), la comparaison fait preuve d’une vertu conciliatrice capable de surmonter les plus vives antinomies. Certes, le comparatif de supériorité marque une différence de degré ; mais en même temps, il désigne les deux éléments comparés comme de même nature en abolissant les coupures au profit d’une continuité essentielle, comme ici entre la souffrance et l’insensibilité :

Il n’est plus grande douleur
Que ne pas pouvoir souffrir653.

À la forme négative, ce comparatif prend du reste une valeur superlative impliquant une relation d’identité (la plus grande douleur = ne pas pouvoir souffrir).

Quant aux comparatifs d’égalité, ils servent à poser des équations remarquables :

Un roc est aussi vulnérable
Qu’une rose sur son rosier654
Sans parler des oiseaux, des insectes qui sont aussi loin de nous
Dans la paume de nos mains qu’au fond inhumain du ciel655.

Les outils traditionnels de la comparaison (comme, ressembler à, etc.) peuvent d’ailleurs jouer un rôle identique :

Le monde est devenu fragile
Comme une coupe de cristal656
Peut-on demander sa route à des hommes considérés comme morts
Et parlant avec un accent qui ressemble à celui du silence657.

Notes
653.

« L’Aube dans la chambre », Les Amis inconnus, p. 309.

654.

« Notre ère », L’Escalier, p. 586.

655.

« Arbres, malgré les événements... », La Fable du monde, p. 385.

656.

« Notre ère », L’Escalier, p. 586.

657.

« Au feu ! », Gravitations, p. 227.