b) La coordination

Par nature, la coordination sert à relier des éléments équivalents. Le texte, par conséquent, y recourt pour présenter sur un même plan les contraires ou les contradictoires. Les uns comme les autres sont fréquemment reliés par la conjonction adversative mais ou l’adverbe pourtant :

Il est deux êtres chers, deux êtres que j’adore,
Mais je ne les ai jamais vus658
Le jeu reste complet
Mais toujours mutilé659
Ô vous, future, ou souvenir,
Mais pour moi, présente, et que j’aime660
Elle attend les adorateurs
[...] les exhorte
À s’approcher de sa blancheur
Mais elle est noire à faire peur661
Où es-tu ? te revoilà,
Ressemblante, mais changeante662
Elle aura des mains comme toi
Et pourtant combien différentes663.

Le plus souvent, cependant, l’impassibilité l’emporte — autrement dit, la syntaxe n’enregistre pas la tension lexicale —, et le coordonnant et, plus neutre, s’impose :

Comment vous remonter,
Rivières de ma nuit
Retournant à vos sources,
Rivières sans poissons
Mais brûlantes et douces664
Je cherche une Amérique ardente et plus ombreuse665
Mais le ciel dans le haut en branches le divise
Porteuses d’équilibre et de confusion666
« [...] Quelle est cette façon
D’être et d’avoir été ? »667
Le corps est long et maussade
D’avoir traversé des jours,
Des nuits, des mers et des rades,
Il en resta maigre et lourd.668
Je me retourne et c’est la mer,
Toutes ses vagues l’accompagnent,
Et sa fidélité de chien
Et sa hauteur de souveraine669.

Les antonymes, en particulier, sont souvent reliés par cette conjonction qui marque l’addition sans entériner l’opposition :

J’avance d’un pas incertain
Dans un temps proche et très lointain670
Offerts à la mort, au tonnerre,
Vivant grand et petitement,
L’infini qui nous désaltère
Nous fait un même firmament671
Des bras toujours un peu ouverts,
Mais captifs de leur univers,
Que nul n’aperçoit sauf celui
Qui vous recherche et qui vous fuit672
Je crains qu’à la moindre indolence
Je ne devienne du silence
Je le crains et je le souhaite673.

Notes
658.

« À la mémoire de mes parents », Brumes du passé, p. 3.

659.

« Figures », Les Amis inconnus, p. 303.

660.

« La Captive », 1939-1945, p. 449.

661.

« Attente », Oublieuse mémoire, p. 530-531.

662.

« À la Femme », Oublieuse mémoire, p. 534.

663.

« Dieu crée la femme », La Fable du monde, p. 358.

664.

« Coeur », Le Forçat innocent, p. 238.

665.

« L’Autre Amérique », Le Forçat innocent, p. 284.

666.

« Le Chaos et la Création », La Fable du monde, p. 352.

667.

« L’Enfant et la Rivière », La Fable du monde, p. 390.

668.

« Portrait », Oublieuse mémoire, p. 505.

669.

« La Mer proche », Oublieuse mémoire, p. 513.

670.

« Le Relais », 1939-1945, p. 413.

671.

« Arbres dans la nuit et le jour », 1939-1945, p. 432.

672.

« La Captive », 1939-1945, p. 449.

673.

« Rochers », Le Corps tragique, p. 594.