c) Autres rapports paradoxaux entre constituants immédiats

La tension paradoxale peut également surgir de la relation entre deux circonstants, comme dans cet exemple où le premier marque l’éternité et le second, la finitude :

La lune qui te suit prend tes dernières forces
Et te bleuit sans fin pour ton ultime jour 699.

D’autres groupes jouissant de la même autonomie syntaxique contribuent eux aussi à former des paradoxes. C’est le cas de l’apostrophe :

Mais, ô raison , n’es-tu pas déraison
Qui dans mon crâne aurait changé de nom [...] ?700
Et tu mourus d’obscurité à trente-cinq ans, ô glorieux !701

et de l’apposition :

Aveugle, il aime au loin chercher fortune
N’y voyant clair que pour blondes et brunes.702
Approchante, tu t’éloignes 703.

Ces deux constructions peuvent en outre engendrer un paradoxe par redoublement lorsque deux groupes a priori contradictoires renvoient successivement au même référent :

Pâle soleil d’oubli, lune de la mémoire,
Que draines-tu au fond de tes sourdes contrées ?704
Ne plus se reprocher d’user mal de la vie
Ce peu de sable chaud, désert illimité 705 .
Notes
699.

« Tu disparais », 1939-1945, p. 443.

700.

« L’Ironie », L’Escalier, p. 579.

701.

« Hommage au poète Julio Herrera y Reissig », Oublieuse mémoire, p. 525.

702.

« Le Sang », Naissances, p. 547.

703.

« À la Femme », Oublieuse mémoire, p. 534.

704.

« Pâle soleil d’oubli, lune de la mémoire... », Oublieuse mémoire, p. 485.

705.

« Ô calme de la mort, comme quelqu’un t’envie... », 1939-1945, p. 448.