Devant un tel éventail de structures, comment le texte procède-t-il pour combiner plusieurs paradoxes conjonctifs dans une même phrase ? Les deux stratégies opposées se rencontrent : la répétition et la diversification. Dans le premier cas, la structure engendre des paradoxes en série en se démultipliant. Dans la première strophe de « L’oiseau de vie », par exemple, le patron syntaxique consiste à coordonner des couples de verbes antinomiques :
Mais le texte sait aussi diversifier ses paradoxes, comme dans ce distique du Corps tragique, où des relations paradoxales s’instaurent successivement entre déterminant et déterminé, puis entre GV et circonstant :
De même, « À la Femme » propose des séquences syntaxiquement variées, séparées d’abord par quelques vers, puis s’enchaînant les unes aux autres :
Rappelons enfin que plusieurs structures différentes peuvent se combiner dans une seule séquence et former ce que nous avons appelé des paradoxes en boucle, où chaque nouvel élément produit une tension paradoxale avec le précédent. En fait, dans ces configurations se retrouve le goût du poète pour les alternances, les amples mouvements de balancier qui d’un pôle à l’autre balaient les structures binaires et se répètent sans faiblir :
Grand cheval galopant sur place à toute allure 752
En somme, la distorsion lexique / syntaxe semble bien constituer, par-delà la multiplicité des formes, le fondement du paradoxe conjonctif. Mais cela se vérifie-t-il dans tous les cas ? En réalité, quelques séquences très particulières dérogent à cette « règle » et produisent autrement la tension paradoxale. Celles-ci peuvent relever de stratégies très différentes.
« L’Oiseau de vie », Oublieuse mémoire, p. 493.
« J’ai veillé si longtemps que j’en suis effrayant... », Le Corps tragique, p. 597.
« À la Femme », Oublieuse mémoire, p. 534. Reconnaissons cependant que ces formules n’ont pas toutes la même force dans la mesure où, parfois, la simultanéité des deux termes n’est pas clairement posée (ex. : « Toute face, tout profil »).
« Le Chaos et la Création », La Fable du monde, p. 351-352.
« Jeunes filles de Jean Giraudoux », 1939-1945, p. 458.
« La terre chante », Oublieuse mémoire, p. 510.
« À nos amis hongrois », Le Corps tragique, p. 613.
« Le héraut du soleil s’avance... », Le Corps tragique, p. 617.
« Le Mirliton magique », Le Corps tragique, p. 629.