III. Les stratégies atypiques

1. Le paradoxe rhétorique

Quelques vers du poème « Un Braque »  vont illustrer la première de ces démarches :

Une forme ouvre la porte,
Se fige dans l’embrasure
[...]
Mais elle se transfigure
[...]
Dans sa langue nous exhorte,
Nous fait le signe d’attendre,
Puis elle ferme la porte756.

L’introduction de la durée dans la description d’un tableau, du récit, avec les transformations qu’il implique, pour évoquer un objet immobile, constitue un usage paradoxal des types de textes. Sans doute l’écriture poétique a-t-elle par essence tout loisir de circuler d’un type à l’autre, empruntant ici au narratif, là au descriptif, etc., mais cette fois, la démarche est tout autre dans la mesure où le référent, que l’on sait statique, voit sa nature questionnée. En effet, le texte ne recourt pas successivement à la description et au récit en changeant de visée : il use du récit alors que tout du long, selon le titre, il s’agit d’un tableau. Il en résulte un référent insaisissable, impossible à concevoir sinon dans une logique paradoxale où l’indécidable demande à être dépassé, envisagé depuis ce point sublime où les contradictions se dénouent — là, en somme, où l’immobilité et le mouvement se rejoignent, ainsi que la permanence et la successivité.

Notes
756.

Oublieuse mémoire, p. 504.