La poésie de Supervielle présente aussi des séquences paradoxales d’un rythme plus ample. Comptant de dix à seize syllabes, ces suites de longueur moyenne peuvent correspondre à un décasyllabe :
ou bien trouver place dans un alexandrin, auquel cas plusieurs modèles entrent en concurrence. Le plus souvent, la séquence recouvre tout le vers dont les deux hémistiches s’opposent vigoureusement :
Les deux pôles du paradoxe se détachent alors fréquemment à la césure et en fin de vers :
Mais le texte peut aussi les réunir à la jonction des deux hémistiches :
ou les placer en regard aux deux extrémités de l’alexandrin :
Du reste, le schéma peut se raffiner et prendre la forme du chiasme :
Sous une forme moins canonique — en tout cas, moins symétrique — la tension paradoxale s’installe parfois entre l’ensemble du vers et sa clôture :
ou bien, comme on l’a vu plus haut, entre un mot situé à l’intérieur de l’alexandrin — de préférence dans une position vedette — et le reste du vers :
Quoique très prisée, la symétrie n’apparaît donc pas comme une condition sine qua non ; ainsi le trimètre accueille-t-il à l’occasion une formule paradoxale :
Enfin, si dans la plupart des poèmes en alexandrins, la séquence « de longueur moyenne » coïncide avec le vers, elle ne s’y laisse pas enfermer. Le paradoxe peut en effet commencer dans le second hémistiche et enjamber sur le vers suivant, même quand celui-ci appartient à une autre strophe :
Deux vers courts de six, sept ou huit syllabes sont également susceptibles de contenir de telles séquences. Dans cette configuration, les deux pôles du paradoxe se détachent en général en fin de vers, de façon à souligner l’opposition lexicale :
Mais ici encore, le schéma dominant souffre plus d’une exception :
Enfin, dans les poèmes irréguliers, la séquence de longueur moyenne occupe en général le verset dans son entier :
« Visite de la nuit », Les Amis inconnus, p. 345.
« Interrogations », Oublieuse mémoire, p. 532.
« Ce pur enfant », Naissances, p. 543.
« L’Ironie », L’Escalier, p. 579.
« Le Don des larmes », Le Corps tragique, p. 596.
« Tu sais pousser les mots aux rails luisants des rimes... », Poèmes, p. 51.
« On voyait bien nos chiens perdus dans les landes... », Les Amis inconnus, p. 310.
« Le Souvenir », Les Amis inconnus, p. 320.
« Plein de songe mon corps, plus d’un fanal s’allume... », Les Amis inconnus, p. 325.
« Des deux côtés des Pyrénées », 1939-1945, p. 408.
« À l’homme », 1939-1945, p. 439.
« Le Mort en peine », 1939-1945, p. 447.
« À la nuit », p. 474.
« Soir créole », Poèmes, p. 104.
« “Quand le soleil... — Mais le soleil qu’en faites-vous...” », Les Amis inconnus, p. 338.
« À Saint-John Perse », Le Corps tragique, p. 622.
Ibid.
« Visage qui m’attire en mes secrètes rives... », Le Forçat innocent, p. 281.
« Une apparition tonnante de corbeaux... », Le Corps tragique, p. 599.
« Faire place », Les Amis inconnus, p. 344.
« À la nuit », p. 473.
« L’Autre Amérique », Le Forçat innocent, p. 284.
« Coeur », Gravitations, p. 193.
« Figures », Les Amis inconnus, p. 303.
« Paris », 1939-1945, p. 410.
« Pins », 1939-1945, p. 433.
« Le Matin du monde », Gravitations, p. 171.
« Solitude », Les Amis inconnus, p. 324.
« L’Escalier », Oublieuse mémoire, p. 497.
« L’Enfant et les Escaliers », La Fable du monde, p. 389.
« Au soleil », Le Corps tragique, p. 625.