C. Aux positions clés de la section et du recueil

a) En position initiale

La même dynamique de mise en relief va porter le paradoxe en tête des grandes parties du recueil ; Matins du monde commence ainsi :

Alentour naissaient mille bruits
Mais si pleins encor de silence
Que l’oreille croyait ouïr
Le chant de sa propre innocence902

et Le Hors-venu (à la fois poème et section) accumule dans ses premiers vers les formules paradoxales :

Il couchait seul dans de grands lits
De hautes herbes et d’orties,
Son corps nu toujours éclairé
Dans les défilés de la nuit
Par un soleil encor violent
Qui venait d’un siècle passé
Par monts et par vaux de lumière
A travers mille obscurités903.

Un paradoxe conjonctif peut même ouvrir le recueil ; c’est le cas dans Brumes du passé :

Il est deux êtres chers, deux êtres que j’adore
Mais je ne les ai jamais vus904,

Le Forçat innocent :

Je ne vois plus le jour
Qu’au travers de ma nuit905,

Oublieuse mémoire :

Pâle soleil d’oubli, lune de la mémoire,
Que draines-tu au fond de tes sourdes contrées ?906

et L’Escalier :

Pêle-mêle et remplis de zèle
Mais à l’impossible tenus 907.
Notes
902.

Gravitations, p. 171.

903.

Les Amis inconnus, p. 305.

904.

« À la mémoire de mes parents », p. 3.

905.

« Le Forçat », p. 235.

906.

« Pâle soleil d’oubli, lune de la mémoire... », p. 485.

907.

« L’Escalier », p. 571. On pourrait encore citer les premiers vers de Naissances, mais la formule oxymorique a perdu sa charge paradoxale en passant dans l’usage :

« Chevaliers de la nuit blanche, cavalerie

Sans mémoire qui se concentre et qui s’agite... »

(« Insomnie », p. 541).