V. Structures prosodiques et phonétiques du paradoxe conjonctif

1. Les structures prosodiques

La description conduit donc à situer les unes par rapport aux autres les grandes familles de paradoxes. Pourtant, la nature des unes et des autres ne saurait se définir exclusivement en termes de stratégie ni même de dynamique conflictuelle. Le paradoxe poétique est en effet situé au carrefour d’influences multiples, dont celles qu’exerce sur lui la forme dans laquelle il se coule. En se glissant dans un cadre prosodique, il s’expose en effet à être travaillé, modelé par la structure préexistante qui l’accueille. C’est ainsi que le rythme qui scande le paradoxe et plus concrètement, le mètre dans lequel il s’inscrit ne resteront pas étrangers à la tonalité de la figure.

Certes, la logique paradoxale parvient à s’imposer dans des vers très différents, qu’ils soient pairs ou impairs. Deux emboîtements paradoxaux quasi-symétriques en apporteront la preuve ; tandis qu’un mètre impair, en l’occurrence un ennéasyllabe, évoque

Le silence au milieu du tapage915,

deux hexasyllabes illustrent le schéma inverse, c’est-à-dire la parole nichée au coeur du silence :

Ainsi l’arbre parlait
Du fond de son silence916.

Quelques exceptions, cependant, n’invalident pas la « règle » : prises dans leur ensemble, les séquences conjonctives connaissent des variations considérables en fonction du type de vers.

Notes
915.

« Pour un poète mort », Les Amis inconnus, p. 312.

916.

« Premiers jours du monde », La Fable du monde, p. 361.